En marge de leur livre, chroniqué ce matin dans nos pages, nous avons demandé à Nico Prat et Benjamin Durand de nous extraire dix pépites commentées de la période britpop, s’en est logiquement suivie l’idée de prolonger la soirée et les pintes en distanciel sous la forme d’une mixtape et pour compléter le tableau et rester dans le sujet, on s’achève au petit matin avec 8 morceaux « rares » ou face B de Lilian et Nono, à déguster d’un trait. En un mot : Cheers mate(s) !
McAlmont & Butler, Yes (1995)
Nico Prat : Nous faisons partie de ceux qui pensent que le grand génie de Suede provenait de son guitariste, Bernard Butler, et qu’après son départ, rien ne fut vraiment aussi bien. Cette collaboration avec David McAlmont en est une preuve formelle.
Benjamin Durand : Le destin de Suede est symptomatique de l’escroquerie médiatique de la « Britpop ». C’est très triste qu’un esthète aussi touchant que Bernard Butler se soit retiré du cirque aussi vite, lui que le « nationalisme » britannique de la période rendait malade. Il a pu ici ou ailleurs (prod pour Duffy ou The Libertines) cultiver ses obsessions des gimmicks Motown au service de la pop.
Dodgy, Good Enough (1996)
NP : On ne va pas se mentir, dans la Britpop, on aime surtout les têtes d’affiche. Mais ici et là, quelques surprises tiennent vraiment bien la route. Dodgy, même si on a du mal à apprécier sur toute leur carrière, a vraiment réussi son coup avec cette composition presque power pop.
BD : En 1996, le phénomène Britpop est tel que des miracles pop comme cet insouciant mais très efficace « Good Enough » pouvait se classer 4e d’un classement des singles qui brassait encore des volumes colossaux.
The Boo Radleys, Everything Is Sorrow (1996)
NP : Le groupe tire son nom du groupe du personnage de Boo Radley dans le roman To Kill a Mockingbird d’Harper Lee. Sans aucun doute l’un des meilleurs groupes méconnus signés sur le label Creation.
BD : L’album succède à Wake Up qui avait atteint la tête des charts britanniques en 1995. Les Scousers menés par Martin Carr et Sice se réinventent à contre courant. Finie l’euphorie et place à l’expérimentation. Mais même plus alambiquées, les mélodies sont ici majestueuses. Hélas, à l’époque de Wonderwall, le grand public ne suit pas. Radiohead apparemment si. L’album C’mon Kids et cette merveille tournaient pendant l’enregistrement d’OK Computer.
Baader-Meinhof (Luke Haines), Baader-Meinhof (1996)
NP : On aime beaucoup les individus à la marge, et c’est ce qu’on raconte dans le livre : les frères Gallagher l’ont été, et n’ont jamais cessé d’en être fier. On retrouve cela chez Luke Haines, qui s’est toujours battu contre l’étiquette Britpop qu’on a voulu coller à The Auteurs. Brillant songwriter !
BD : Ce cher Luke Haines, tellement au-dessus des bagarres de chiffonniers entre lads et étudiants plus malins que les autres. Sans tout ce bazar de la Britpop, il serait sûrement célébré régulièrement par des articles fleuves dans Mojo. Jamais avare de compliments envers lui-même, il considère Baader-Meinhof comme la meilleure chanson de la décennie. L’ombre de Scott Walker plane et 25 ans plus tard, c’est toujours aussi majestueux.
Saint Etienne, Spring (1991)
NP : Je dois rendre hommage ici à mon oncle, Benjamin Danet, journaliste sportif, fan de Saint Etienne et de Springsteen. C’est vraiment lui qui m’a transmis la passion de l’écriture et des guitares. Ce livre n’existerait pas sans lui. Pas certain cependant qu’il connaisse le groupe portant le même nom que la ville de son club préféré.
BD : Saint Etienne, c’est un peu le symbole de la rupture avec le Shoegaze et le signe avant-coureur de la Brit Pop. La reprise du Only Love Can Break Your Heart est lumineuse, mais Spring est une merveille qui n’a rien de Canadien et consacre ce mariage miraculeux entre clubbing et pop 60’s.
Gorky’s Zygotic Mynci, Patio Song (1997)
NP : L’un des groupes les plus importants de la scène musicale alternative galloise des années 1990 et 2000. Ils composaient la pop des jours meilleurs à venir.
BD : J’ai découvert bien plus tard la musique de Gorky’s Zygotic Mynci, aiguillé en interview par James Skelly de The Coral. Comme ça m’a fait passer pour un bon rigolo de l’Indé, je m’y suis plongé pour comprendre sans mal la filiation avec le groupe du Wirral. Mélodies pastorales sublime et belle représentation, qu’on ne souligne jamais assez, de la scène galloise dans la britpop.
Super Furry Animals, Something 4 The Weekend (1996)
NP : Eux, ils ne sont pas simples à suivre. On parle de musique kaléidoscopique à leur sujet, et c’est exactement ça. L’étiquette pop est trop simpliste.
BD : Pays de Galles toujours, on fait l’impasse sur Manic Street Preachers qui sont un cas à part, mais pas sur la bande de Gruff Rhys. Une des signatures personnelles de McGee pour Creation histoire de se convaincre qu’il était toujours dans le coup et aussi le plaisir de fair casquer Sony pour cette pop qui part dans tous les sens et certaine de ne jamais finir en stade.
Inspiral Carpets feat Mark E Smith, I Want You (1994)
NP : Sans les Inspiral Carpets, pas de Oasis, c’est aussi simple que ça. C’est en étant leur roadie que Noel Gallagher s’est ouvert au monde, tout en comprenant les tenants et les aboutissants d’une carrière solide. Il aurait sans doute malgré tout composé des titres de qualité, mais probablement sans sortir de sa chambre.
BD : A Manchester, les Inspiral Carpets ont tellement la réputation de mecs sympas qu’on ne va pas insister sur combien leur musique a mal vieilli. Mais il y a ce duo sublime avec Mark E Smith à relever. Irrésistible avec le rythme soutenu par le regretté Craig Gill, notre guide sur les traces d’Oasis, évoqué dans le livre, hélas décédé il y a quelques années.
Catatonia, Whale (1996)
NP : Leur premier album arrive en 1996, alors que le phénomène Britpop, sans qu’on le sache, entame son dernier chapitre. Leur dernier album est sorti en 2001, alors que le rock, dans la lignée des Strokes, opérait un ravalement de façade. Vraiment un groupe emblématique du post Britpop finalement.
BD : Pays de Galles, Terre des Possibles toujours. De la jolie chanson qui n’aurait sans doute pas eu tant de succès à une autre époque. Cerys Matthews, chanteuse, est depuis devenue une des voix du week-end sur BBC 6 et grande ambassadrice de la culture galloise.
The Supernaturals, Smile (1997)
NP : La voix de James McColl est l’une des meilleurs de l’époque, rien de moins. Ils n’ont pas eu un immense succès, mais impossible de ne pas craquer pour ce timbre, cette rage.
BD : Voilà les Supernaturals sont arrivés à la fin de la fête. Vous pourrez constater qu’ils ne réinventent pas la roue. Mais voilà, ça donne l’idée aux plus jeunes du son que les Français des premiers Eurostar découvraient, décliné à l’infini, dans leur week-ends shopping à Londres.
Heavy Stereo, Chinese Burn (1996)
BD : Toutes les problématiques de la géopolitique de 2021 était là en 1996. Ou peut être que je m’emballe. À vous de juger