Honnêtement, j’étais tenté de placer un cliché ultime sur les Suisses en introduction de cet article tant la régularité métronomique du duo Klaus Johann Grobe a de quoi laisser pantois : un disque tous les deux ans depuis 2014. Sevi Landolt et Daniel Bachmann reviennent donc avec ce troisième album, Du Bist So Symmetrisch, toujours chez l’excellent label américain Trouble In Mind (The Shifters, Jacco Gardner, Olden Yolk, Omni, En Attendant Ana, etc).En dehors d’une ponctualité étonnante et de la fidélité à leur maison de disques, les Klaus Johann Grobe se distinguent également par l’usage de l’allemand pour le chant, en plus d’une formation atypique sans guitare autour du rythme (batterie, percussions), des claviers et une basse omniprésente assurant liant et ossature des compositions. Depuis l’inaugural Im Sinne Der Zeit (2014) ils se tiennent donc à cette formule jusqu’ici subjuguante. Pourtant, le duo est loin de faire du surplace; Spagat Der Liebe (2016) montrait déjà une évolution par rapport à leur premier long format en convolant vers des horizons disco, tout en conservant cette couleur krautrock groovy unique propice à de magnifiques développements instrumentaux. Aux orgues et pianos électriques succédaient des synthétiseurs. Du Bist So Symmetrisch apparaît dès lors comme un cheminement très fluide, offrant un récital de couleurs analogiques dans un environnent plus dansant que jamais. L’énorme point fort : une production limpide et ultra-précise, délaissant le son typé seventies voire lo-fi de son prédécesseur. Plus qu’une obscurité européenne de 1978, Du Bist So Symmetrisch évoque 2018 dans toute sa splendeur. Le mixage est détaillé, chaque instrument respire. Les compositions les plus accrocheuses auraient, dans un monde idéal, leur place dans les playlists des radios tant elles sonnent divinement bien. Osons une comparaison audacieuse : Metronomy. La similitude saute aux oreilles en réalité, elle était pourtant inimaginable à l’écoute des précédents disques, plus proches de Stereolab que des auteurs de The English Riviera. L’incroyable Ja! illustre à merveille ce changement pas si radical. En un peu plus de 4 minutes, Klaus Johann Grobe déroule une bombinette ondoyante prétexte à une débauche de lignes de claviers lancinantes, portée par un tempo lent et une basse en contretemps. Pour citer un autre cliché : l’allemand a-t-il jamais sonné aussi sensuel et sinueux ? Du Bist So Symmetrisch prolonge néanmoins l’expérience sur 11 compositions (et un interlude) d’une maîtrise contagieuse. Zu Spät propose une suite sous amphétamine et sans pathos à True de Spandau Ballet. Watte In Meinem Kopf imagine à quoi pourrait ressembler un boogie dans la langue de Goethe aux textures amples et cuivrées. Du + Ich nous saisit de son swing délicat. Si chacun trouvera ses préférences, Klaus Johann Grobe a créé un album équilibré et harmonieux dans lequel les compositions se fondent dans un tout homogène mais aucunement indigeste. Du Bist So Symmetrisch incarne une idée de la musique pop dans laquelle nous avons envie de croire en 2018 : ni passéiste, ni jeuniste, portée par la fulgurance et l’exubérance de bonnes chansons s’adressant autant au corps qu’à l’âme.
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