Kitchen

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Qui ?

Kitchen est le projet de James Keegan, jeune chanteur, guitariste et pianiste américain. Il s’entoure d’une formation mouvante de cinq ou six amis – « selon qui est dans le coin » – parmi lesquels se retrouvent généralement un batteur, une violoniste, un altiste, une bassiste et plusieurs chanteuses.

Où ?

Rochester, Etat de New York. Une ville moyenne américaine-type, comme endormie sous son manteau de neige, dans laquelle je me suis retrouvée de manière fortuite à l’automne 2017. La musique de Kitchen a fait ressurgir les émotions inattendues que j’avais ressenties durant ce séjour, au hasard d’un open mic ou d’un house concert, où des adolescents jamais défaits de leurs bonnets et de leurs écharpes se retrouvaient pour jouer des chansons tout juste répétées dans leur chambre. Sous les guirlandes lumineuses qui ornaient tous les lieux la nuit, les performances, plus ou moins convaincantes, étaient invariablement touchantes. Elles suggéraient de l’application, et une candeur qui n’était jamais défiée par les spectateurs, amis ou inconnus. Une bienveillance dans la jeune scène musicale qui m’avait tant bouleversée que je quittais, quelques jours plus tard, la ville en larmes. Avec un peu de chance, c’est sur James Keegan et sa bande que j’aurais pu tomber à l’une de ces soirées. Selon lui, c’est la dream pop de Borger et son groupe préféré, Attic Basement, qu’il ne fallait surtout pas louper. « Olivia Clarke, ou Girlcock, est aussi une formidable artiste de Rochester. Elle me fait pleurer. Elle est en train de déménager à Philadelphie, malheureusement ».

Quoi ?

S’il fallait lui trouver une famille, c’est aux côtés d’Elvis Depressedly, Teen Suicide ou Good Morning [dont le dernier album était chroniqué ici], parmi ces jeunes qui ont découvert en même temps Daniel Johnston et Mac Demarco, que je placerais Keegan. Des chansons à l’écriture si intime, à l’exécution si directe que les écouter se rapproche du voyeurisme. Pour décrire sa musique, le groupe cite évidemment le slowcore, et quelques termes de son invention : « regular-fi » (ce degré entre le son lo-fi cradingue d’un enregistreur cassette – secret du charme de l’album I Wish Shit Would Stop Spinning, sorti en 2015 – et celui d’une production plus soignée) ou « quiet pop ». Une pop douce, chantée à faible intensité, la voix sur le fil, à la manière de ceux que Keegan passe son temps à écouter : Alex G, Julia Brown ou The Microphones, référence incontournable du label K Records dans les années 1990, sur lequel il ne serait pas insensé de retrouver le jeune musicien un jour…

Dernière sortie

C’est en effet en auto-production que le groupe a fait paraître son dernier album le 15 mars dernier, sous format cassette et CD. Pussy Willow succède à Town, qui marquait le début d’une nouvelle ère puisque le groupe, alors baptisé The Loner(s), devenait Kitchen : « La différence n’était que nominative. Je trouvais que le nom The Loner(s) [« Le(s) solitaire(s) » en français] était stupide, alors j’ai pensé à Kitchen, d’après le roman court de Banana Yoshimoto, juste avant la sortie de Town» Une transformation qui n’avait aucunement altéré l’identité du groupe : « J’ai fait Town seul, comme j’en avais l’habitude. Mon amie Emmarae chante une fois, mais c’est tout. Sur Pussy Willow je suis accompagné d’autres personnes sur presque chaque chanson ». C’est bien avec cette dernière sortie que Kitchen a gagné en maturité. Au niveau sonore d’abord, avec un travail sur les textures (traduit par la présence d’instruments à cordes, de l’alto au piano, de différentes voix féminines et de sons amplifiés) et un nouveau soin apporté à l’enregistrement : « Nous étions un groupe lo-fi », dit Keegan en insistant sur l’imparfait. Au niveau des intentions ensuite, avec une composition nourrie d’influences assumées, et curieusement variées : « Il y a dans cet album une forte influence de Bluetile Lounge, un groupe de slowcore très intéressant de la fin des années 1990. D’Attic Basement aussi, mais inutile d’en parler à nouveau, mon admiration pour eux est notoire. Au-delà de cela, certains morceaux, Foggy Trees et Drowse en particulier, ont volontairement un côté démodé. Foggy Trees m’a été inspiré par le travail de la poétesse et musicienne Molly Drake [mère de Nick Drake]. Elle est extrêmement sous-estimée. J’espère que son influence se reconnaît dans les paroles de Pussy Willow. Bien sûr c’est vieillot, mais il y a des trucs géniaux sous la surface. Je pense par exemple à ses chansons I Remember et Happiness

L’influence de Frank Ocean est, elle, peut-être moins évidente. Blond et Endless sont deux de mes albums préférés de ces dernières années et je crois que certaines parties de mon album le reflètent, notamment dans la structure des morceaux. » Etudiant en musique, Keegan maîtrise son sujet et, avec l’inventivité dont lui et sa bande font preuve sur Pussy Willow, se révèle pour la première fois comme le musicien confirmé qu’il est.

Tube absolu

Futur conditionnel

La sortie de Pussy Willow s’est accompagnée d’une mini-tournée de cinq dates au nord-est des Etats-Unis. Peut-être, un jour, le groupe d’amis traversera-t-il l’océan. En attendant, Keegan nous prévient : « Le prochain album va être vraiment bizarre ».

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