Kim Deal est de ces bonnes et véritables amies qui laissent leur miroir de poche au vestiaire mais ne se séparent jamais de leur intégrité. Je l’ai rencontrée aux détours de sa guitare basse et de ses vocalises vaguement énervées chez les Pixies dès 1986, je l’ai adorée sur le premier et magnifique album de The Breeders, Pod, sorti en 1990 sur le label phare de l’époque 4AD et produit par Steve Albini. Là, Kim retrouvait Tanya Donelly (Throwing Muses et Belly), Josephine Wiggs ainsi que Kelley Deal, sa sœur jumelle.
On y entendait clairement la voix particulière de Kim exprimer sa puissance sans faire comme un homme ou alors juste pour rire. La nonchalance de la coolitude contrebalancée par des déferlantes de guitares acides et de batteries bien énervées, tout ça bien avant #metoo. Cette énergie brute condensée dans la magistrale reprise de Hapiness Is A Warm Gun m’a accompagnée jusqu’à Cannonball, cœur rouge vif de vie et de malice.
Puis, Kim se retrouvait au fil des détours, tenue par les tournées des Pixies, posant pour des photos avec l’autre Kim (Sonic Youth) ou collaborant à divers projets tels que ceux de The Amps ou de Guided by Voices.
Retrouver une vieille copine c’est toujours un poème : qu’est-il resté des rêves, de l’énergie, de l’envie ? Tout, en fait ! Kim Deal nous le prouve en sortant, à 63 ans, son premier album solo. Et elle n’a rien perdu de son caractère bien trempé. Les guitares un peu crasses, les rythmes martelés, l’espièglerie, l’éternel recommencement du désir, les tambourins, cuivres et violons et puis cette voix douce-amère jouant sur l’ambivalence, à la fois crooneuse et punkette invétérée, tenant d’une main de maîtresse cet air frondeur qui ne manque ni de douceur, ni d’abandon.
C’est bon de se retrouver. Nobody Loves You More affiche onze titres tout en nuances et contrastes, on y retrouve le goût de l’artiste pour la rupture, passant de la douceur du titre éponyme à des riffs rock (Crystal Breath, Disobedience) ou des ballades folks enveloppantes Are You Mine? ou Wish I Was qui convoque des sonorités perdues de Jesus and Mary Chain. Mélodies et tempo n’ont rien perdu de leur aspect explorateur (Big Ben Beat), l’écriture vibrante et créative véhicule un érotisme vintage (Come Running, A Good Time Pushed) qui agit comme un bain de jouvence et ouvre des horizons cubistes. N’est pas cool as Kim Deal qui veut.