Retranscription d’une conversation par messenger avec KG, 2 septembre 2019.
Moi : Salut KG, merci pour ce beau moment musical samedi, c’était juste parfait. Dans la foulée, j’ai écouté ton disque qui débute par un éclat de rire (pour moi) et se termine dans les larmes (ce morceau magnifique Un autre demain). Du coup, mon papier écrit avant d’écouter le disque ne correspond plus vraiment, ce qui est en fait très rassurant, j’ai dû presque tout jeter…
KG : Oh flûte alors, ta chronique en aveugle ! Tu me la feras lire quand même ? Oui, c’était une bien chouette soirée, tous les amis étaient là, ça faisait plaisir.
Moi : « Ce torse nu recouvert d’un très vieux perfecto, ces lunettes miroir et ces cheveux longs aux vents d’un ventilateur dévoilent finalement un corps derrière l’entité KG. Un corps derrière la musique, ce n’était pas évident pour cette personnalité mulhousienne, ou plutôt alsacienne (sur Jesus Weint Blut, la géographie intime s’étend le long de l’A35 entre Mulhouse et Strasbourg en passant par Colmar), qui longtemps a multiplié les identités selon ses activités et ses projets, comme pour compartimenter sa vie de façon étanche mais aussi pour se fondre entièrement au service d’une seule cause, en alternance : on l’a connu comme rouage essentiel de la triplette bruitiste Sun Plexus, comme architecte sonore du désormais culte Ich Bin, ou comme homme de l’ombre d’Einkaufen (un disque sur le label Herzfeld déjà). On pourrait multiplier ainsi les apparitions de l’homme dans des groupes a priori complètement déconnectés de son univers qui tourneraient de façon schématique dans une boucle pop à guitares noisy / pop instrumentale synthétique. Longtemps, KG a hésité entre les deux, prononçant ses adieux à l’électronique (sur le label Gooom) de temps en temps avant de se raviser. Ne croyez pas ceci dit à un exercice d’exhibitionnisme type « démasqué », « dévoilé » ou « à nu », KG déplace simplement ce halo brumeux qui le suit et qui empêche chacun de saisir la bête dans sa globalité. Ce brouillard prend ici la forme du langage qui le voit polyglotte : allemand, anglais, français, arabe (ça pourrait être bientôt du tahitien, du russe ou du thaï), KG utilise les richesses de langages qui lui sont intimes (des carnets de voyages) comme des petits loups, petits masques qui lui permettent de maintenir l’illusion qu’il est un autre. Et comme une boucle qui s’achève, car, ici, tout se mélange à nouveau, comme il le faisait déjà à ses tout débuts de manière intuitive et évidemment moins aboutie, plus punk, sur les 45t du label Lo-Fi Recordings, en 1993 : dans un bric à brac qui ravira à la fois les amoureux des assemblages sonores épiques, les mille-feuilles de guitares et les sons faussement vintage, ceux qui préfèrent la musique comme exutoire en se noyant dans les fluides excitants et primaux du bruit canalisé, le disque foisonnant à écouter au casque, aussi bien qu’en soirée à fond, atteint une perfection plastique et consensuelle qui est prête au succès. Ce n’est pas rien pour KG qui après avoir proposé une version en groupe sur scène semble avoir trouvé une présence scénique dont la simplicité embrasse un grand pouvoir de séduction. »
Finalement c’est pas mal, mais l’album tourne moins autour de la dialectique guitare/synthé que je ne le pensais, pas du tout même, et ce n’était pas fini, c’était le premier jet.
KG : Cool. C’est celle que tu as abandonnée, donc ?
Moi : Oui
KG : Ce n’était pas tombé loin !
Moi : A l’aveugle. En sourd.
KG : ahaha
Moi : Oui bon, je te connais quand même un peu.
KG : Oui, à force, ça fait quand même presque 30 ans, quoi.
Moi : A l’écoute, le foisonnement du disque m’a plus fait penser à tes cassettes que tu me donnais quand on s’est connus vers 1990. A une en particulier, avec tous tes projets qui se succédaient (des trucs avec Grugru, Johnny Colson…), il y a une sorte de synthèse de toutes tes marottes (les langues, le chant grégorien, la chanson pop désaccordée, la noisy pop, l’intermède étrange…), avec l’expérience du musicien et du producteur en plus.
KG : Il manque encore quelques marottes.
Moi : Un autre demain on dirait un inédit d’Einkaufen par exemple, mais avec des guitares noisy et des synthés beaucoup plus amples. La synthèse se fait au cœur des morceaux, et plus un morceau après l’autre. Et oui, j’en doute pas qu’il en manque, ça laisse de la matière !
KG : De l’antimatière.