Partager généreusement un peu de l’héritage reçu ; raviver passionnément quelques une des étincelles du flambeau transmis par d’autres : on pourrait trouver de plus mauvais motifs pour fonder un groupe. Après tout, c’est bien cette impulsion initiale qui animait certains de nos artistes préférés. Au début des années 1990, Teenage Fanclub honorait ainsi la mémoire de Gene Clark (1993) et œuvrait activement à la réhabilitation de Big Star.
Près de trois décennies plus tard, nos écossais chéris continuent de s’inscrire dans le maillage des générations en invitant sur scène, pour assurer la première partie de leur tournée européenne, I Was A King, quartette norvégien garant d’une certaine continuité historique et déjà auteur en 2007, d’un morceau intitulé… Norman Bleik ! C’est d’ailleurs le leader de Teenage Fanclub qui a répondu à l’invitation de ses fans et accepté de produire Slow Century, le sixième album de I Was A King. On retrouve donc logiquement tout au long de ces douze morceaux, condensés sans la moindre digression superflue en un peu moins de trente minutes, une attention de tous les instants aux contours des mélodies limpides et parfaites, ainsi qu’une appétence communicative pour les harmonies vocales qu’entrelacent ici les voix mixtes de Frode Strømstad et Anne Lise Frøkedal. Au grand jeu des correspondances entre les disciples et leur idole, il est parfois aisé de remonter jusqu’aux sources ostensiblement assumées de certaines chansons. Mais il est tout aussi plaisant d’observer comment les Norvégiens parviennent à partir de ce point de départ commun, à cheminer sans coup férir sur des voies qui sont les leurs. Les accords plaqués de l’introduction de Bubble se contentent, certes, de décaler d’une petite octave ceux de Start Again (1997) mais ils dérivent ensuite vers d’autres pistes pour composer une ballade bucolique qui, pointe d’accent scandinave oblige, n’aurait pas dépareillé – tout comme le très beau Tanker – sur les albums d’Idha Övelius, cette autre artiste Creation trop souvent négligée. Le ton dominant est donc bien à l’hommage. Mais il est pratiqué avec suffisamment de passion, de style et d’attention au détail pour éviter tout sentiment de redondance ou de lassitude. En témoigne, par exemple, cette Folk Song très joliment décalée, enregistrée en compagnie de Jad Fair, et dont le bricolage spontané vient rompre, aux deux tiers de l’album, l’uniformité électrique des guitares et de l’orgue. De quoi faire de I Was A King les successeurs légitimes des suzerains auxquels ils prêtent ici allégeance ? Sans doute pas tout à fait. Mais il est déjà sûr qu’on a ici affaire à des princes du sang.