Je me souviens très bien de l’article. Ou plutôt de la photo qui l’accompagne et de son titre. Visages Pales. C’est une colonne, autant dire par grand-chose mais c’est déjà ça. Pour la signature, j’hésite aujourd’hui : Michka Assayas ou François Gorin ? Je ne sais plus du tout quel était la une ni le sommaire de ce numéro de Rock & Folk, ni même l’année exacte de sa parution – 1984 ou 1985, je pense. Mais les articles sur The Pale Fountains n’étaient pas légion – on lisait déjà la presse anglaise (un peu), mais elle n’était pas plus bavarde au sujet du groupe que son homologue française. Alors, on savait l’origine (Liverpool), on détaillait les photos de la pochette intérieure de Pacific Street (1983) et ces mecs qui avaient une classe folle et bien sûr, on admirait les chansons imaginées par un gamin de même pas un quart de siècle – dont on nous disait qu’elles devaient beaucoup à Love, Burt Bacharach et la bossa (autant de noms qu’on allait découvrir un peu plus tard). Parce que l’époque actuelle prête à se retourner sur le passé, je m’aperçois aujourd’hui que les compositions du garçon en question m’accompagnent depuis presque quarante ans – c’est quand même pas mal quarante ans. Avec The Pale Fountains, donc, puis Shack, mais aussi lors de la parenthèse du vrai faux album solo, le très beau The Magical World Of The Strands, et de la résurrection discographique de 2013, via l’important label franco-anglais Violette Records.
En octobre 1999, à l’occasion de la sortie du troisième album de Shack, H.M.S. Fable, l’hebdomadaire New Musical Express, avec son sens inné de la mesure, titrait : “Cet homme est notre meilleur songwriter – vous le reconnaissez ?”. La formule en disait finalement assez long. Dix-sept ans après la sortie de son premier disque, à la tête d’une discographie qui abritait déjà des petits chefs d’œuvre mélodiques du genre Just A Girl, Something On My Mind, Start A War, Bicycle Thieves, High Rise Low Life, John Kline, Al’s Vacation, Undecided ou Something Like You, Michael Head était resté dans son pays un presque inconnu quand chez nous, il faisait l’objet d’un culte, entretenu assez tôt par Assayas et Gorin, donc, par le quotidien Libération, le mensuel Actuel puis Les Inrockuptibles – cette photo en noir et blanc (j’hésite entre Éric Mulet et Renaud Monfourny), qui, je ne sais pas pourquoi, en dit tellement long sur le talent de ce type-là, adossé à un mur un rien désœuvré, veste et pantalon en jean, un sourire discret aux lèvres.
Ce type-là, je l’ai rencontré pour la première fois en mai 1991. Le 31, il me semble. Paris est paralysé par les grèves, Shack joue à La Locomotive (c’est Hilda, que je ne connais pas encore, qui assure la programmation) et je dois faire une interview pour le fanzine magic mushroom. Comme j’arrive trop tard, on me propose de rencontrer Michael Head après le concert, une rencontre qui s’annonce mal (il reste coincé pendant de longues minutes dans les toilettes du backstage) et se termine sur un monologue assez surréaliste mais enthousiasmant sur l’équipe de France 1982 – et qui me fait sérieusement me demander comment ce type connu pour avoir gobé des substances illicites comme des Smarties® peut citer de mémoire l’équipe de la ½ finale de Séville… Puis, j’ai revu Shack à l’Européen, en avril 1992, le temps d’une soirée un peu surréaliste où Michael Head a d’abord sabordé son répertoire le temps d’un concert assez pathétique avant que lui et ses compagnons ne se métamorphosent pour accompagner leur idole Arthur Lee de Love le temps d’un set d’une beauté rare – et l’une des images qui reste, c’est celle d’un gamin prénommé Guy-Manuel, assis au bord de la scène, les larmes aux yeux pendant tout le concert. Alors, bien sûr – et ça reste comme une petite blessure –, je n’aurais jamais vu The Pale Fountains en concert (je me demande aujourd’hui ce que, je faisais en 1984 et 1985 quand le groupe est passé à la piscine Deligny puis à l’Eldorado), mais j’écoute toujours très régulièrement les chansons de Mick Head – on ne parle pas assez de l’album de 2003, … Here’s Tom With The Weather –, un nom associé à des légendes et péripéties qui construisent un mythe (aussi confidentiel soit-il) : la somme faramineuse dépensée par Virgin pour signer The Pale Fountains en 1982, la découverte du showbiz et de la drogue, l’alcool à foison, le décès subit du compagnon Chris McCaffrey et la fin des Paleys (comme les fans les appelaient), l’incendie qui détruit les bandes du deuxième album de Shack, un temps resté inédit, l’admiration que voue à Mick Head la superstar Noel Gallagher. Si on y réfléchit bien, ce pourrait être l’objet d’un beau biopic. Dont la fin resterait à inventer, mais dont on sait déjà que la bande originale serait d’une perfection absolue.
TRACKLIST
01. The Pale Foutains, Beyond Friday’s Field
02. The Pale Fountains, Something On My Mind
03. Shack, Soldier man
04. Shack, Cup of tea
05. The Pale Foutains, Palm Of My Hand
06. Shack, Comedy
07. The Pale Fountains, (Don’t Let Your Love) Start A War
08. Michael Head and The Strands, Something Like You
09. The Pale Fountains, Just A Girl
10. Shack, High Rise Low Life
11. Shack, Meant To Be
12. Michael Head & the Elastic Band, Workin’ Family
13. The Pale Fountains, Jean’s Not Happening
14. Shack, Black & White
15. The Pale Fountains, Bicycle Thieves
16. Shack, Al’s Vacation
17. The Pale Fountains, Reach
18. The Pale Fountains, We Have All The Time Of The World
19. Shack, Undecided
20. The Pale Fountains, Hey
21. Shack, I know you well
22. Michael Head & the Elastic Band, Newby Street
23. Shack, Since I Met You
24. Shack, John Kline
25. Michael Head and The Strands, Undecided (reprise)
26. The Pale Fountains, Thank You
A lire aussi, le portrait consacré à Michael Head par Nicolas Plommée et Hannah Molin : Michael Head & The Red Elastic Band au Museum Of Liverpool, 24 août 2018
La chronique de Pacific Street dans R & F en 1984, c’est François Gorin qui pendant des années m’a laissé croire que le photographe qui avait pris la cover de Pacific St avait été tué juste après alors que Mario de Biasi est mort en 2013. Je crois avoir meme vu FG assis dubitatif à ‘européen en 1992 devant Shack et un peu plus épanoui à l’écoute d’Arthur Lee…