Tim Smith n’a aucun problème avec Radiohead. Dans une vieille interview dont j’ai oublié la source, il avait même le culot de déclarer : « J’écoute beaucoup plus Jethro Tull que Radiohead ; seulement faire des chansons de la trempe de celles de Jethro Tull c’est complètement hors de portée pour moi. » On connait de visu et in situ le sens de l’humour souvent fastidieux des texans, ça n’en pose pas moins le problème. Parce qu’on voudrait bien aimer plus que de raison ce disque, le premier en solo de l’ex-leader de Midlake, attendu par les fans (dont je ne suis pas mais certains amis chers, si) comme le messie depuis une éternité. Il parait que sur The Courage Of Others (2010) le dernier album de Midlake avec Tim Smith, il avait été évoqué Pentangle et Fairport Convention. Du peu de souvenirs qu’il m’en reste, l’écoute du disque avait du me mettre en rogne en ces augures puissantes mais rarement atteintes.
Je n’ai rien contre Midlake, j’ai même comme tout un chacun au sein de la RPM eu quelques frissons sur Roscoe, saphir de The Trials Of Van Occupantheer (2006) l’un des plus beau morceau de cet Indie Rock américain un peu engageant, un peu à côté de la plaque aussi, juste un peu en deçà de cossards plus souvent géniaux tels Grandaddy. Je n’ai rien pour non plus, bref je n’en fais pas, contrairement à d’autres, un crédo.
Mais j’étais plutôt curieux de ce disque dont l’intitulé et la pochette (ridicule donc géniale) ramenait tout en bloc à mes amours britanniques. L’unanimité relative lors de sa sortie (disque du mois du siècle de l’année) me firent donc franchir le pas avec une bienveillance en service minimum. Le moins que l’on puisse dire, c’est que si l’on s’attend à une avalanche boisée et ensorcelante de trésors folk rock, un successeur contemporain du No Roses de l’Albion Country Band mené par Shirley Collins (1971), c’est une fausse piste. En revanche Tim Buckley chez les Cocteau Twins (il y a surement eu des précédents, je vous laisse faire vos propres recherches…), c’est ce que disque pourrait être s’il n’était pas relativement décevant. Ce n’est pourtant pas sous le glorieux permafrost nappé à la poudre de riz de This Mortal Coil qu’il faudra venir chercher le moindre génie rétrograde. Et c’est davantage chez un autre Smith, Robert en l’occurrence * les quelques motifs de satisfaction. L’objectif de folkiser Seventeen Seconds et dans une moindre mesure Faith (qu’il prétend avoir écouté quotidiennement pendant 3 ans d’affilée**) reste louable, et si l’hiver rend clément(ine) on pourrait se laisser tenter à une coupable indulgence.`
En ouverture, The Pleasant Grey y parvient presque en mode instrumental. Descente d’organe et de flutiaux effraient un brin pour l’enchainement sur I Am The Seed, décalque honnête du Roscoe suscité. C’est un peu fragile, vulnérable et craintif, ça ne tient à rien, c’est presque absolument okay. Ça part bien en tout cas, ce que confirme A Fountain dont l’intro, à une encablure du Felt période Deebank, et la tenue digne, Buckley père plutôt que fils, semble indiquer qu’on est peut- être pas loin de quelque chose. Daughters Of Albion semble creuser le même sympathique chemin (entre Field Mice et Asylum Party) lorsque tout à coup PATATRAS. Chrystals, belles arpèges, on invoquerait ici Willow’s Song de Paul Giovanni, plus belle scène lascive et inquiète de The Wicker Man, une merveille totale. Et l’on se dit que Tim Smith va réussir son pari en puisant dans l’horror folk en plus de la new wave. Et c’est précisément à ce moment que ça merde dans les grandes largeurs. Je crois que même Roland Emmerich n’arriverait pas à capter cet instant de génie contrarié et catastrophique ou Tim Smith part dans les aigus, retoque le pourtant flamboyant Unbreak My Heart de Toni Braxton mais c’est l’autre con qui vient de prendre le contrôle de la vieille bâtisse façon Freddy Krueger. Et l’autre con c’est Thom E. Yorke, c’est dire si on pleure de rire. Et cette déception bien légitime va sérieusement entacher notre entrain. Parce que si Tim Smith n’a aucun problème avec Radiohead, moi si.
Country Cathedral Drive pourrait faire illusion, mais c’en est presque à croire que l’hommage à nos années new wave n’est en fait pour lui que la découverte d’un flutiau magique invendu et désormais en soldes au rayon plasma résilient chez Nature et Découvertes. Oh t’as vu, c’est pas cher et totalement inutile. Encore un truc qui va effrayer inutilement des bambins avec des pitreries new age pas loin d’Enya, d’ailleurs c’est Noël bientôt. Shining Spires c’est ça et c’est non, lyrisme à tête de poisson pané et non, juste non. Silver Wings a le mérite de recentrer le propos, enfin ça ressemble plus à une chanson qu’à une longue et vilaine plainte doloriste. Et nous rappelle un brin, pour les seniors, ce moment tragi-comique où And Also The Trees auraient pu basculer dans le camp du bien mais ont préféré faire des reprises merdiques de Cat Stevens. Seven Long Suns porte assez modestement une belle mélancolie mais évidemment des arrangements potentiellement glorieux sont réalisés à la truelle avec un émulateur de DX7. C’est pousser la fascination sur les années octantes un peu loin pour nos nerfs. Moon, instrumental en pire, pire même qu’une attente en caisse chez Naturalia avec les gens qui n’ont pas la carte du magasin mais qui y réfléchissent à haute voix en plus de te faire chier. Throne Of Amber, ça part bien aussi, mais la fausse vélocité façon War On Drugs au jogging et les petites escalades vocales font là aussi, perdre rapidement patience, malgré de belles arpèges façon Cioure à un moment furtif mais finalement vain. Herstmonceux (c’est le nom d’un château askip) au final sauvera t’il le disque de ses fausses promesses ? Je crains fort que non. Et c’est bien dommage, car il n’est pas exclu que Tim Smith ait, au-delà d’un certain talent qu’il préfère noyer sous des hectolitres de reverb-chorus qu’il aurait pu bien mieux utiliser, une idée pas si loin d’être pertinente, malheureusement encore en jachère ici. Si une bonne âme avait la bonté de lui faire découvrir The Durutti Column et Current 93 d’ici la prochaine livraison, on y reviendra alors volontiers.
* dont on attend toujours, la bonne blague, l’album solo acoustique façon Nick Drake ** j’y crois moyen, on en a retrouvé, morts d’ennui ou par pendaison, dans des zones pavillonnaires de l’Essonne pour moins que ça.