Il n’aura pas fallu bien longtemps pour reconnaître en Andrea Calvo un semblable, presque un frère d’âme. En réalité, la vingtaine de minutes que dure ce troisième album publié sous un pseudonyme – Grand Drifter – évoquant à la fois la majesté et la dérive a amplement suffi. Un peu plus si on y ajoute le temps nécessaire pour remonter le cours de sa discographie et confirmer, en parcourant l’amont, l’enthousiasme éprouvé en ce début d’automne. En cinq années et une poignée de chansons, le songwriter piémontais est en effet parvenu à cultiver une bien jolie série de compositions classiques et gracieuses en des terres que l’on n’aurait pas forcément jugé propice à l’exercice. Le style et les références – celles qu’il avance sans fausse pudeur et celles qu’on croit discerner entre le silences – sont immédiatement familières – Belle And Sebastian, un peu ; Kings Of Convenience, beaucoup.
Quelques notes égrenées sur les cordes d’une guitare ou d’un piano, parfois quelques touches instrumentales plus sophistiquées (cordes ou batterie) mais disposées avec goût et parcimonie : voilà qui suffit amplement à esquisser les contours mélancoliques des mélodies oscillant entre pour le meilleur entre Bacharach et Jobim. La voix les accompagne, discrète mais touchante, évoquant souvent cet entre-deux nuancé des émotions qui sied si bien aux accents doux-amers de ce folk teinté de bossa. Et lorsque la plénitude ou la sérénité pointent – Drawing Happiness, Peaceful Season – le mélange ambivalent des teintes continue d’imprégner chaque instant. Quel que soit le ton, plus ou moins enjoué, Calvo conserve constamment une forme exquise de légèreté dans son évocation fervente mais pudique des sentiments, et dans sa manière de laisser la nostalgie s’esquisser dans les interstices ouverts qui séparent les modes, mineurs ou majeurs. Un très beau condensé de douceurs et de nuances et qui confirme l’éternelle pertinence du vieil adage norvégien : quiet is still as loud.