Au milieu des années 1990, alors que la liste des deux cents plus beaux trésors cachés n’était pas encore devenue le prévisible marronnier de la presse musicale, le NME (RIP) fit paraître un assez fascinant supplément où les journalistes évoquaient des albums qu’ils avaient découverts par le plus grand des hasards, sur des faces B de cassettes, sur un vieux vinyle au fond du grenier, souvent indisponibles au format CD à l’époque. C’est là que je trouvais la trace perdue de No Other et le paragraphe semblait tellement élogieux que je me mis en piste. Je connaissais déjà Life’s Greatest Fool (1974), que venait de reprendre l’ex-Mercury Rev David Baker sous le nom de Shady. Je trouvais le disque quelques jours après (l’édition originale avec le poster), dans le bac de soldes d’un disquaire local. J’ai mis un certain temps avant de me rendre compte à quel point la dernière tentative de l’ex-Byrds de façonner, à l’instar d’un Brian Wilson, quelque chose de plus grand que l’humanité en 1974 allait devenir l’un des cinq disques préférés d’une vie, une sorte de grower ultime. Le temps d’apprécier et de reconnaître toute la profondeur et le génie de ce disque qui a justement la faculté d’arrêter l’horloge et dont les huit morceaux scellent un pacte tacite, aurifère et indéfinissable avec l’auditeur. Jusqu’à sa première réédition augmentée en 2009, No Other a eu le temps de devenir un obligé de ces listes intimes, il en a depuis atteint régulièrement les sommets. Alors pourquoi aujourd’hui cette resurrection définitive d’un des rares albums que l’on pourra sans gêne qualifier de chédeuvrabsolu sous la forme d’un coffret/tombeau nous met encore le rouge aux joues ? Parce que sa parution sous l’égide du label 4AD n’a vraiment rien d’un hasard. Car en fait, la première fois qu’on en a entendu un extrait c’était bien sur Filigree & Shadow (1986) de This Mortal Coil où la collégiale du label alors mené par Ivo-Watts Russel se fendait d’une version habitée de Strength of Strings, l’un des sommets spectoriens de No Other.
Gram Parsons, qui succéda furtivement à Gene Clark au sein des Byrds, rêvait d’une grand musique cosmique américaine, un chaudron où la country, le folk, le psychédélisme, le gospel et la soul s’enverraient des signaux de fumée dans une harmonie parfaite. Sans manquer de respect à l’ange déchu, c’est à peine une année après sa disparition que le Prince Vaillant du Folk Rock lui donnera forme. Il en écrira les chansons au calme, dans sa retraite californienne de Mendocino, face à l’océan. Auréolé du succès relatif de l’unique album de la reformation des Byrds, il a la pleine confiance de David Geffen qui le signe en tant qu’artiste solo sur Asylum. En compagnie de son producteur Thomas Jefferson Kaye (Bob Neuwirth, Link Wray, The Shirelles), un casting de luxe est retenu, Russ Kunkell, Leland Sklar, Joe Lala (CSN&Y, Mannassas), Jessie Ed Davis et Chris Hillman (The Byrds) sont de la partie. Le budget, pharaonique pour l’époque, sera dépassé pour atteindre les 100 000 $. Et David Geffen détestera le disque, refusant d’en assurer une promotion décente, ce qui scellera le sort de No Other et la suite de la carrière de Gene Clark. Il y a pourtant peu de disques de l’ampleur de No Other, sa couteuse et juste prétention le porte sur des sommets jamais atteints depuis. Dans un registre plus modeste mais tout aussi douloureux, on le placera peut-être aux côtés de Harvest de Neil Young (1972) ou plus simplement d’If Only I Could Remember My Name de David Crosby (1971). Mais quarante cinq ans après sa sortie maudite, cet assemblage vertigineux de doute et d’ambition plane toujours bien plus haut.
enjoy https://perseverancevinylique.wordpress.com/2014/10/22/shady-%e2%80%8e-world-beggars-banquet1994/
a propos de No Other de Gene Clark, chez babouin a l ‘epoque au shop de colmar on avais le vinyle et le cd au shop de Strasbourg ,j’ai souvenir que Greg et valerie on fréquenté Babouin 🙂