Gelli Haha, Switcheroo (Innovative Leisure)

Switcheroo Gelli HahaGelli Haha est le nom du projet de la musicienne Angel Abaya, une musicienne originaire de Boise, dans l’Idaho, où elle a fait un peu de rock ou de folk-rock. Son album Switcheroo a été enregistré un an et demi peu après son déménagement à Los Angeles, avec Sean Guerin (De Lux) et sorti sur Innovative Leisure, le label d’Hanni El Khatib. Disons le tout de suite, c’est un petit trésor. Un album de synth pop, d’indie pop chatoyant, beau et original. C’est un concentré de mélodies servi par une délicieuse instrumentation inspirée, pour l’essentiel, des années 1980 : effusion de sons de synthés virevoltants et voluptueux qui rappellent Moroder, la synth pop, l’italo disco même, exagérée, extatique.

Gelli Haha / Photo : DR
Gelli Haha / Photo : DR

En même temps, chaque chanson est supportée par une idée presque, qui arrime, dirige, cette production multicolore. Il y a quelque chose d’arty et de recherché. Les textes sont écrits, drôles, ou sont d’étranges collages. Certes, les mélodies sont sucrées, et conçues pour le plaisir — mais aussi vaporeuses, un peu allongées, éthérées. C’est ce mélange entre efficacité de club et conceptualisation qui marche, entre pop house et pop arty : « Somewhere between Studio 54 and Area 51 » comme dit Angel Abaya elle-même (elle parle bien de sa musique, ce qui est anormal pour les musiciennes).

Si comme moi vous n’êtes pas un « slow listener » et, en homme, ou en femme pressée, vous exigez d’être convaincu.e.s immédiatement, dirigez-vous vers Bouce House. Son évidence n’empêche pas, d’ailleurs, la finesse — il y a toujours beaucoup d’idées, même dans les tubes. On tombe par exemple sur un espèce de pont, mélange de voix twistées et d’un arpège de synthés filtrés, qui achève la chanson dans un nuage quasi-bruitiste. Vous pouvez tenter Normalize et sa démarche à la fois droite et de traverse, ou le drôle, récitatif, et irrésistible (le refrain !) Piss Artist. Par la suite, vous serez sans doute prêts à accueillir le cosmique Dynamite, la grosse part de dessert Tiramisu (où pourtant elle répète « I miss you ») ou le très beau moreau conclusif Pluto is not a planet it’s a restaurant, à la fois soleil résistant au crépuscule et inarrêtable nuit tombante.

Cet album a surtout un mouvement : celui d’une artiste qui a décidé, ou qui est parvenue à arrêter de se prendre au sérieux. Et de fait, vous serez bien en peine de trouver dans cet album la moindre trace d’« esprit de sérieux ». L’autrice raconte être progressivement arrivée au studio sans réfléchir, ayant confiance en la spontanéité — et en sa relation artistique avec Sean Guerin. Tout est cool, fût-ce imparfait — car oui, parfois, les idées et la production ne s’équilibrent pas tant que ça, l’album n’est pas d’une parfaite légèreté, etc. Mais ce qui reste longtemps après avoir écouté l’album est sa joie explosive. Cet album est le récit d’une d’une libération créatrice : il raconte ce qu’il se passe quand on arrête de vouloir « faire de la musique » (quelle drôle d’idée…) pour, à la place, suivre son plaisir. Il établit Gelli Haha, arrivée à sa propre bizarrerie, on ne peut pas l’imaginer continuer à donner autre chose que du bon.


Switcheroo par Gelli Haha est disponible sur Innovative Leisure

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