The Wireless Revolution n’est sorti que depuis quelques jours et le constat s’impose avec la même évidence implacable qu’à l’accoutumée : il est déjà devenu difficile d’écouter autre chose que ces chansons incrustées tout près du cœur. Pourtant, en dépit de cet intitulé trompeur qui évoque ironiquement le Grand Soir technologique, rien n’a vraiment changé dans l’univers désormais délicieusement familier d’Andrew Taylor. Les guitares, les mélodies, les harmonies vocale : rien que l’essentiel, tout l’essentiel. S’agit-il pour autant d’un simple bilan récapitulatif des nombreux épisodes précédents – quatorze pour la seule discographie de Dropkick, sans compter les digressions conséquentes en solo ou avec The Boys With The Perpetual Nervousness ? Pas réellement, sauf à considérer que le présent ne vaut que par ses ruptures radicales ou par les surgissements inattendus de l’événement. En modeste artisan du songwriting, Taylor s’efforce, pour sa part, de persévérer dans son être avec cette constance et cette régularité qui forcent une admiration toute particulière et suscitent, une fois de plus, des sentiments qui rappellent davantage ceux qui s’épanouissent dans les relations amoureuses aux longs cours plutôt que dans l’intensité éphémère du coup de foudre. Être profondément touché sans que pointe la déception de ne pas être sans cesse bouleversé : ce n’est pas rien, loin s’en faut, surtout quand cela dure.
Continuer de tendre vers la version la plus accomplie de ce qu’on est. C’est bien ce dont il s’agit ici. Et la fidélité à soi-même n’exclut pas les améliorations incrémentales. Elles se révèlent, discrètes, au fil des écoutes. D’abord parce que The Wireless Revolution est indéniablement l’album le plus condensé de Dropkick – une trentaine de minutes tout juste pour balayer ce qui demeure primordial – et le premier depuis trois ans – presque une éternité à l’échelle d’un groupe aussi productif. On y entend surtout le plaisir retrouvé et communicatif du jeu collectif. Ecartés pendant de longs mois de leur local de répétition habituel pour cause de confinement, Taylor et ses camarades (le guitariste Alan Shields et le bassiste Ian Grier) n’ont pu se réunir que tardivement en 2022. Et les morceaux issus de ces séances longtemps différées ressortent imprégnés d’une forme d’urgence et d’exultation partagée plus audible encore qu’à l’accoutumée, y compris sur les deux chansons interprétées par Shields (The Other Side et No Difference) qui apportent leurs colorations plus country-rock à l’ensemble. Quant aux compositions toujours aussi remarquables de Taylor, elles oscillent entre l’euphorie pop (Ahead Of My Time) et la mélancolie (Clouds) avec une grâce qui ne cesse de se parfaire au fil des ans. Au point qu’il n’est pas bien difficile de comprendre ce qui résonne à ce point en nous dans cet éloge, serein et accompli, de la fidélité à ce que l’on tente d’être – tant bien que mal – et à ses passions musicales les plus immuables.