Au moins on ne pourra pas leur retirer ça.
La biographie qui accompagne le deuxième album de Cuneiform Tabs est hallucinante de prétention, elle est aussi foutrement alléchante. Car quiconque se revendique des Swell Maps, Syd Barrett, Television Personalities ou, plus proche de nous et d’eux, Cindy Lee* a de quoi nous faire dresser au moins un osselet. Pour ce qui est d’Animal Collective, et je sais d’expérience que pas mal d’entre vous y ont cru jusqu’à l’exégèse (j’ai moi-même tenu une bonne demi-journée**) ça me paraît un peu problématique, mais bon. Du coup excusez du peu mais je ne vais pas me gêner pour citer itou un maximum de références.

Duo transatlantique sévissant entre Londres et Oakland, Californie à base d’échange de sources magnétiques sous forme de bandes Portastudio Tascam 4 pistes, Cuneiform Tabs ne cherchent évidemment pas à en mettre plein la vue. On va rentrer dans un brouillard souvent brouillon fait de boucles, de bordel et de saleté. Matt Bleyle et Sterling Mackinnon, qui ont fait leurs classes un moment avec Tony Molina au sein de Violent Change et à l’instar de leurs ancêtres Cerebral Corps ou Cleaners From Venus*** n’ont pas pour but ultime de célébrer la grandeur omnisciente de la pop, ils préfèreront toujours la perdre en forêt, voire même un peu plus loin.
Flush In The Cheeks en ouverture pose les bases du jeu de piste, et effectivement Syd Barrett y fait une pige intrigante chez Broadcast. Crow Speech évoque le rapport de stage d’apprentissage d’Animal Collective chez Psychic TV, autres grands souilleurs/souillons hagards de bases colorées. Mais on cherche un peu la chanson. On en trouve à peine une des Supreme Dicks (Feiform Tabs) puis un foutoir charmant digne de Sonic Boom (So Light) avant d’en dénicher une vraie, mais alors vraiment bonne. Orbital Rings. Une sale ballade perverse du Velvet comme on n’en a pas entendue depuis un moment, enfin pas de ce niveau puisqu’elle stagne effectivement à une hauteur géostationnaire assez élevée et qu’en plus, l’astuce est de taille, elle ne comporte qu’un seul et unique couplet avant d’atteindre l’espace tel qu’on le voyait dans les illustrés de la première moitié du vingtième siècle. Ivy, pleine de douceur contrariée; c’est effectivement Dan Treacy s’il avait osé franchir la porte d’un ancien music-hall en tenant une main anxieuse à Nikki Sudden pendant que Genesis P-Orridge essaye de leur fourguer soit des pilules qui font rire bête, soit du lubrifiant. Encore une tentative avec Blended Metal, qui imagine Witthüser & Westrupp se moquant ouvertement de Brian Wilson, ça empeste la dope mais c’est assez chouette en fait. Le feu de camp satellisé se poursuit avec Alyosha mais il n’y a plus de drogue(s) alors tout le monde est un peu triste. Pourquoi ne pas tout détruire en partant et en appuyant de plus un référencement Throbbing Gristle jusque-là bien enfoui avec Flinstone Meal ? Un réveil un peu brutal(iste) qui ne fera pas oublier un disque curieux, lunaire et pas toujours évident alors que l’évidence de sa possible beauté s’impose à chaque nouvelle écoute. Pour en revenir à cette facétieuse note d’intention, je cite, comme si Leonard Cohen fumait sa clope devant l’entrée d’un club ou Suicide se produirait… Bon, ça n’est pas exactement ça mais vous avez l’idée.
Age par Cuneiform Tabs est sorti chez W.25th/Superior Viaduct
* Même label. ** Voire pour l’éternité si l’on parle de Person Pitch (2007), l’inégalable (même par lui) chédeuvrabsolu de Panda Bear. *** Trois personnes presqu’âgées lèvent soudain la tête de leur GSM.