Bientôt 25 ans que Total Heaven dispense ses conseils musicaux (et sa bonne humeur) du côté de la place de la Victoire à Bordeaux. Une longévité qui n’a pas entamé la passion de Babouche et Martial, duo de disquaires complémentaires et pas snobs, qui envisagent le métier de comme il était pratiqué à la fin des années 70, lorsque l’on pouvait proposer dans la même boutique les Stooges ET Claude François. Welcome dans leur sélection débordante, puisqu’on les a autorisés, en toute bienveillance, à nous proposer 15 titres au lieu de 10.
« Talk and Collect » à Total Heaven, 6 rue de Candale à Bordeaux, les lundi après-midi et du mardi au samedi de 11h à 19h30.
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Tous les articles de la série Première Nécessité (un disquaire par jour) sont visibles ici.
01, Astaffort Mods, Ouverture Facile (À Tant Rêver du Roi LP)
Teigneux et drôle, Ouverture Facile met tranquillement (mais fermement) les poings sur les « i ». Car les Trois Stooges du Lot et Garonne vont encore plus loin avec ce deuxième album qui s’inspire de Sleaford Mods, sans les plagier. Plus loin dans la hargne. Plus loin dans la sagacité. Plus loin dans l’insolite également. Le trio s’y confronte, joyeusement, à une modernité ridicule jusqu’à l’absurde.
02. Le Bal Chaloupé, Cavalier Noir (Le Parti Collectif CD)
À Bordeaux, Le Bal Chaloupé est un super groupe de scène. Il dégage la bonne attitude mariée à une énergie incroyable. Il affole également sur disque, où son punk afro latin s’épanouit lui aussi. La pochette du CD reproduit une peinture de Johan Baggio, également un bordelais de talent.
03. Les nouveautés Delodio : Charlotte Leclerc, Bingo / In Any Bed, French Computer Music 1989
En 3 ans, Stéphane et François de Blackmail ont publié 7 disques sans la moindre contrainte commerciale ou artistique. « Éclectisme et joie de vivre » sont les deux mamelles de Delodio. « One foot in the trash can – One foot on the dance floor ». Les deux amis sortent sans ordre de préférence des vieux titres connus parfois par eux seuls ou presque (Patrick Michaud 88-92, La Confirmation 83-85…), quand ce ne sont pas des choses totalement mystérieuses, obscures et oubliées (la réf DEL03 est la réédition en vinyle d’une K7 trouvée à la poubelle, sans nom, sans information, probablement enregistrée durant la deuxième moitié des 80’s). Mais aussi des productions actuelles, comme le sublime maxi de FM (François) et son acid house, techno, irrésistible, mélodique et ancrée dans les 90’s de sa jeunesse.
Les deux dernières références nous sont livrées en main propre : Charlotte Leclerc, cliente du bar Le Rochelle où travaille Stéphane, qui présente une collection de délicieuses miniatures électroniques, enregistrées entre 2011 et 2018, dans le plus pur style Anne Laplantine, Sam & Valley ou le premier Leila sur Rephlex.
Ainsi que le curieux et phénoménal 45 tours signé In Any Bed (Stéphane en 1989), pour deux titres réalisés avec un ordinateur que l’on devine imposant, et deux chansons à la fois raides et rondes, qui évoquent Art Of Noise, Bomb the Bass et surtout le Bosco à venir 10 ans plus tard avec François… Vous m’avez suivi ? Trêve de bavardages, achetez ces disques ! Ils sont super !!!
04. Terry Edwards, Stop Trying To Sell Me Back My Past
Le saxophoniste anglais qui a joué avec Gallon Drunk, PJ Harvey, Nick Cave Tom Waits, Lydia Lunch, Tindersticks, a fêté ses 60 ans cette année. En dépit de son carnet d’adresse plutôt austère, Terry Edwards serai plutôt, quant à lui, du genre malicieux, cocasse et cool. Ce double vinyle compile ses différents EP’s tribute. Merci le RSD. Les covers des chansons de Jesus & Mary Chain, the Fall, Miles Davis et The Cure sont particulièrement gratinées. Arrangements saugrenus. Mais réel amour des originaux — et des auteurs. Des interprétations sur le fil, drôles et touchantes.
05. Family Fodder, Savoir Faire
Oh wow, un groupe repris à la fois par Unrest, Zion Train et YACHT ! Formé à Londres au milieu des 70’s autour d’Alig Fodder, ils n’ont attiré l’attention du NME qu’à la fin de la décennie en question. « Entertaining idiosyncratic experimentalism » comme décrit par le « Who’s Who of Indie and New Wave », Family Fodder est surtout unique. Savoir Faire, leur super anthologie regroupe des enregistrements post-punk issus de singles et albums entre 1979 et 1982. Paru une première fois en CD au début des années 2000 sur l’obscur label Dark Beloved Cloud, ce vinyle met en avant leur évidente sensibilité pop (leur tribute à Debby Harry ou Savoir Faire, deux titres chantés par la française Dominique Levilain, présentée à Fodder par les amis commun de This Heat).
06. Caleb Landry Jones, The Mother Stone
La marquise Landry Jones de Pompadour touche au cœur comme personne. Pour peu que l’on ait le goût du jeu, de l’aventure, de la musique et de l’amour. Cabaret, glam, psych, baroque, west coast, lyrique… The Mother Stone est généreuse. Trouver un acteur/musicien aussi doué que Jason Schwartzmann, nous pensions la chose impossible. Nous nous trompions. Si ce n’est que plutôt que de lorgner vers Phoenix et Weezer, Caleb convoque les côtés les plus fantasques de Lennon, Raymond Listen et Bobby Conn à son succulent banquet. Bon appétit.
07. Freddie Gibbs & The Alchemist, Alfredo
Pochette de l’année. Disque de hip hop de l’année. Producteur de l’année. MC de l’année. Yep.
08. Lowrider, Ode To Io
La réédition du premier (et longtemps unique) album des tête couronnées du stoner rock suédois.
09. Mango Wood, Stomp You Down
Les Aggrolites Espagnols. Comme les californiens tatoués, Mango woods de Madrid, sont passés maîtres dans la distillation d’un reggae roots/rock steady autentique et terriblement chaleureux.
10. Melenas, Dias Raros
Les merveilleuses Melenas de Pampelune, au pays basque, rappellent Electrelane à leur zenith, autant vous dire le niveau d’excellence de Dias Raros.
11. NOFX, The Decline Live at Red Rocks with Baz’s Orchestra
« Bad Religion have a fuckin’ bassoon ? » La version live d’une des meilleures chanson de NOFX, accompagnés d’un orchestre classique, mais punk. Une antithèse totale des versions symphoniques de Metallica. Sublime.
13. Necrophobic, Dawn of the Damned
« Metal de la mort noirci ». C’est ce qui ressort dans traduction automatique de « Blackened Death Metal » sur Google. Dieu que cette description imagée colle à la musique de Necrophobic. Les suédois de Stockholm, en activités depuis 1989, sortent ici leur dixième album. Toujours aussi goûtu.
14. Sahara, It’s Only Talk
Nerveux et sexy. De Bordeaux, Blondine et le team Sahara sont de retour. Leur pop à fait pas mal d’abdo et d’assouplissements pendant le confinement. Les 3 titres de It’s Only Talk ! évoquent désormais une boum sur la plage entre Lizzy Mercier Descloux, Talking Heads, Aquaserge et King Crimson qu’elles reprennent avec brio.
15. Yelle, L’Ère du Verseau
« Prends moi bien, mais pas pour une conne ». Techno pop au taquet. Méga cœur.
+ un bouquin pour finir…
Dreamworld, ou la vie fabuleuse de Daniel Treacy de Benjamin Berton (Le Boulon)
Ou l’histoire de Daniel Treacy et des Television Personalities comme vous ne l’avez jamais lu. C’est tout le talent de Benjamin Berton. À la fois biographe appliqué — les interviews de Jowe Head, Joe Foster, Alison Wonderland, Mark Flunder… Fan et romancier — les interventions de Geoffrey Ingram, la Soirée des Têtes Surréalistes de Dali et des Rotschild, la « rencontre » avec David Hasselhoff… Dreamworld est beau et déchirant ; drôle, intime et fantasque. Il est paru chez Le Boulon — comme le bouquin sur les Thugs !