Climats #35 : Mess Esque, André Breton

L’été indien est- il propice à la mélancolie givrée de The Chameleons ?
Et écouter LCD Soundsystem sans devoir danser, est-ce possible ?

Climats met en avant disques et livres selon les aléas de la météo.

L’aube qui revient

Que devient pour nous une chanson lorsque celle-ci rencontre une annonce douloureuse ? La semaine qui vient de s’écouler, je n’ai pas pu écouter un seul disque du groupe Low. Leur musique me semblait trop frontale avec la disparition de Mimi Parker, devenant presque repoussante, du moins me fallait-il l’éviter. C’est avec ces hasardeux et prodigieux détours que l’on finit par tomber sur la musique qui convient à la tristesse – cette musique qui, on le sait, va nous accompagner. Pour tout dire, elle s’impose d’elle-même et on l’entend surgir en nous. Dans le Sweetspot du groupe Mess Esque, je retrouve des éléments qui restituent sans doute un peu la présence de Mimi Parker. Cette douceur et sa répétition d’abord, puis, le temps profond de la composition qui s’écoule majestueusement. C’est un duo aussi et ça, je ne le savais pas. Mick Turner des Dirty Three rencontre Helen Franzmann durant le premier confinement. Ils s’échangent des missives musicales entre Brisbane et Melbourne. Leur complicité est évidente, lumineuse. Elle reproduit, peut-être, ce qui était amené à disparaître ailleurs. Alors j’ai écouté, avec obsession, les deux albums de Mess Esque tout en pensant écouter un autre groupe. Un fantôme… Voilà, ce que devient pour nous, une chanson lorsque celle-ci rencontre une annonce douloureuse.

L’ivresse des constellations

Qui est Léona Delcourt ? C’est avec cette interrogation, qui a tout d’un impératif au final, que l’on entre dans ce merveilleux ouvrage. Nadja, un itinéraire surréaliste est un livre expérience. Écrit et conçu au Manoir d’Ango par André Breton, Nadja est aussi un cheminement à deux. Car l’empreinte de Léona Delcourt transparaît entre chaque page. Celle-ci donna à Breton, un carnet rempli de sa propre interprétation concernant leur rencontre. Très structuré, sous l’apparence d’un pur hasard, Nadja met en place une série d’illustrations qu’André Breton voulait anti-littéraire. Ces irruptions d’images devaient déconstruire toute description. On demeure fasciné, en parcourant ces pages, combien le mouvement surréaliste fut pluri-disciplinaire. La psychanalyse, le hasard objectif, les arts premiers, la rencontre, l’amour fou et Paris tournoient ensemble terriblement. Breton avait un désir de métamorphose et de contrôle incroyable. Il pouvait approfondir des théories mathématiques pour les voir partir en flammes, suite à une intuition sortie d’une de ses lectures d’un ouvrage ésotérique. Portraits d’aimées, poésie en magma et la beauté des rues sont les constellations de ce livre.


Nadja d’André Breton est paru le 25 mai 1928 chez nrf / Gallimard.
Le dernier album de Mess Esque est sorti l’an dernier sur Drag City.

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