This could be the saddest dusk ever seen
You turn to a miracle high-alive
Michael Stipe
Peut-on écouter Vauxhall and I de Morrissey sous le franc soleil de juillet ? Et un Antônio Carlos Jobim empêtré dans un crachin de février, c’est toujours du Antônio Carlos Jobim ? Climats met en avant les sorties disques et livres selon la météo.
Étrange rosée
Il y a comme une éclosion, une ouverture. Lorsque l’on regarde la pochette du dernier album de Laura Veirs. Mais c’est, encore, la présence d’une vieille blessure qui se trame dans cette posture. Assise et défiant le regard de l’autre, Laura Veirs, sur le seuil de sa maison offre une sorte de womanspreading. Ce disque est une affaire de puissance retrouvée et le noir et blanc de la photo raconte l’ambivalence, le contraste. Après sa rupture, Veirs a du retrouver la résonance de sa liberté. Ainsi, Found Light est un disque de recherche et de suspens. À l’aveugle et avec délicatesse comme la kora d’Ali Farka Touré, Veirs tâtonne à retrouver la saveur et le goût. La violence en sourdine d’Eucalyptus, ce battement de cœur contrarié, nous raconte les chutes anciennes. Ailleurs, la douceur embaume les plaies définitivement – New Arms. Étrangement, c’est la profonde unité du disque, ce même ton, qui donne toute sa force. Car Found Light est un disque épique à sa façon, une façon de perdre et de retrouver, une résilience. Sword Song déplie langoureusement toute cette vitalité nouvelle, Winter Windows arrache quelques morceaux de colère au passé. Laura Veirs travaille, avec unité et contraste à la fois, ses mélodies. C’est certainement sa manière de retrouver la joie.
Le prochain été blond
Lorsque Lavinia Dickinson retrouva les milliers de poèmes cachés de sa sœur, certainement que l’effroi fut mélangé au bonheur. L’hermétisme et le secret des vers d’Emily Dickinson avaient ce désir de ressurgir, de donner à entendre leur force. Flammarion a eu, il y a deux ans, la bonne idée de proposer une édition bilingue des poèmes de Dickinson.
Ils m’ont enfermée dans la Prose — Comme lorsque j’étais une Petite Fille – Ils m’enfermaient dans le Placard — Parce qu’ils me voulaient « calme » — Calme ! S’ils avaient pu jeter un œil - Et espionner dans mon esprit — le visiter — Ils auraient aussi bien pu enfermer un Oiseau – Pour trahison — à la fourrière.
Chez Dickinson et Laura Veirs, on retrouve cette même rage enfermée dans du coton. La suavité a le goût de l’amertume. La solitude est la seule alliée et le reste est déception. Mais, pourtant, malgré cet isolement obsessionnel, leur création retrouve l’autre. Ce partage semble être une trahison définitive, et c’est ce qui donne cet aura énigmatique à leur univers.