This could be the saddest dusk ever seen
You turn to a miracle high-alive
Michael Stipe
Peut-on écouter Vauxhall and I de Morrissey sous le franc soleil de juillet ? Et un Antônio Carlos Jobim empêtré dans un crachin de février, c’est toujours du Antônio Carlos Jobim ? Climats met en avant les sorties disques et livres selon la météo.
L’aurore
On aura creusé nos cernes pour les voir. Attendre le milieu de la nuit, regarder une mauvaise copie sur internet, une image déformée, fantasmée que l’on répète à l’infini. Sans cesse. Le mythe Jean Eustache va être accessible, enfin, à ceux qui le méritent. Les films du Losange ont en effet annoncé la restauration complète des films, courts-métrages et documentaires de Jean Eustache. J’ai hâte de voir le beau blanc et noir de La Maman et la Putain sur grand écran, d’entendre ces dialogues sortis du feu – de les entendre résonner très fort. Merci Charles Gillibert, voilà des renaissances qui donnent envie de voir le jour se lever encore et encore.
Les giboulées
En librairie, il n’y a pas tant de succès dans le rayon sciences-humaines. Claire Marin avait connu une véritable reconnaissance avec son essai Rupture(s), un livre fait de plis et de replis, de références et d’instants poétiques. La rupture et ses métamorphoses ont leur prolongement, leur aura réflexive, avec Être à sa Place. Dans ce nouvel essai, Claire Marin travaille sur notre nomadisme intérieur et, parfois, sur notre radicalisme à vouloir demeurer à un seul et unique endroit. Une personne se voit jugée insolente en quittant les autres et leurs habitudes, d’autres illuminent autrui par leur seule fidélité. C’est cette vacation de l’être qui fascine Claire Marin, ce labeur incessant pour savoir où l’on désire être, se retrouver et s’épanouir. Cet essai s’appuie sur des extraits de livres, de films ou encore de la psychanalyse. C’est là, ce qui bouleverse parfois, chez Claire Marin – son nomadisme intellectuel, cette radieuse liberté, cette profonde mélancolie… quel beau livre.
L’orage de juin, en hiver
Il y a quelques années, je découvrais les enluminures acoustiques de Jessica Pratt. C’était l’été, l’été avec sa poudre de lumière sur les roseraies. L’hiver finistérien, lui, fait souvent fondre le mauve dans le noir. La mer se calque sur le ciel – grise, bleue, verte – elle est changeante. L’hiver m’apporte donc le disque de Jana Horn, discrètement. Dans ces petites pièces, ces intimités acoustiques Jana Horn place le feu dans la glace. Elle fait cela comme aucune autre. Quelques cordes, des paroles énigmatiques et cette voix de sommeil, de chaleur et d’abandon… cela donne un disque rare. Optimism ressemble au recueil de psaumes d’une femme fuyant toutes les formes de fièvres, de compromissions. Un élan de pureté, de simplicité, comme la couleur de la mer ajustée sur celle du ciel.