Au début des années 70, la vénérable maison de disques Vogue (Jacques Dutronc, Françoise Hardy, Martin Circus etc.) accueille de sacrés hurluberlus. Le Chico Magnetic Band ne passe pas inaperçu en concert. Chico, en plus de chanter dans un anglais erratique, fait exploser des pétards judicieusement placés sur son casque quand il ne prend pas son bain sur scène… Ce goût pour le happening et la bravade, le groupe le développe lentement mais sûrement à la fin des années 60 en trainant dans la scène lyonnaise. Chico, de son vrai nom Mahmoud Ayari, né en Tunisie, s’éprend d’abord de soul et rhythm & blues avant d’avoir une révélation avec Jimi Hendrix. Il monte alors un gang, initialement connu sous le nom de Chico & The Slow Death avant de devenir le Magnetic Band. La formation comprend ainsi Alain Mazet (basse) et Patrick Garrel (batterie) tandis que les guitaristes (Bernad Lloret, Bernard Monerri) changent plus régulièrement. Les prestations sauvages et débridées du groupe attirent de nombreux labels. Chico Magnetic Band signe avec CBS et enregistre avec Jean Pierre Massiera. Le sorcier des studios de la Côte d’Azur vampirise cependant les velléités du groupe, à travers deux morceaux de sa composition (Pop or Not, Inverse Pop). Le label américain ne donne pas suite mais Chico continue sa route et parvient alors à rebondir chez Vogue. L’unique album du groupe paraît en 1971.
La production est toujours signée de Massiera; il y glisse deux morceaux (Pop Pull Hair, Pop Orbite). Intéressantes, ses contributions (avec de nombreux collages expérimentaux) n’en sont pas moins assez éloignée du festival d’électricité que propose le Chico Magnetic Band. Sous le patronage des têtes brûlées les plus siphonnées de leur époque (Arthur Brown, Captain Beefheart, Edgar Broughton Band), les Français se lancent dans un disque en roue libre, sauvage et surexcité. C’est bancal, pas toujours parfait, mais débordant de vie et de passion. Il suffit d’écouter leur reprise déglinguée de Crosstown Traffic du guitariste afro-américain gaucher. Le Chico Magnetic Band se sert du morceau comme une trame pour livrer des soli de guitares acides et dantesques. Les titres originaux du groupe ne sont pas en retrait. La cloche obsédante de My Sorrow permet au groupe d’enquiller un titre au tempo modéré mais vicieusement funky. To Where I Belong est un péplum inouï de guitares (acoustiques et saturées) et percussions tandis qu’Explosion est un bad trip strident, comme une bouffée de poison. Disque court mais net comme un coup de poing, l’unique album du Chico Magnetic Band affirme, avec d’autres (Variations, Docdaïl, Triangle, Schizo etc.) la possibilité de faire du rock en France et ce, malgré une titanesque adversité. Le groupe signera après un dernier 45 tours l’année suivante avant que la météorite ne s’écrase définitivement. Reste cet album à écouter encore et encore, comme pour mieux se saisir de ce petit miracle d’électricité.