Le format EP a décidément la cote avec les groupes indés français. Tandis que nous évoquions ici même, récemment, Beach Youth ou Accident, Born Idiot propose à son tour un douze pouce dans ce format intermédiaire entre le simple et l’album. La raison n’est peut être pas tout à fait innocente, car l’EP a les faveurs de nombreux professionnels du milieu musical. Il constitue une carte de visite idéale pour un groupe. Moins complexe à digérer qu’un album pour prospecter, moins frustrant qu’un single, il offre la longueur idéale d’un échantillon à la fois suffisamment long pour donner envie sans pour autant tout dévoiler. Born Idiot n’a, en tout cas, pas ménagé ses efforts, offrant cinq chansons particulièrement réussies à travers ce Coco Trip.
Après un premier album, Afterschool, il y a deux ans, nous sommes ainsi ravis de les retrouver le groupe rennais aussi en forme et inspiré. Born Idiot déroule une pop indépendante anglophone ambitieuse et dans l’air du temps, tout se gardant de marquer trop à la culotte les têtes de proue nord-américaines. La production soignée est un parfait écrin à ces délicates compositions dont les subtilités se laissent découvrir écoute après écoute. Le groupe démarre en trombe avec ce qui constitue peut-être le pinacle de l’ensemble : le tube Lonely Coco Trip. En trois minutes quatorze, les Bretons nous convient aux premiers rayons de soleil d’un été situé quelque part en Californie. Si les guitares évoquent un cousinage avec Mac DeMarco (le chorus), le groupe, bien plus malin, se dévoile dans un refrain échevelé et romantique, moment de grâce suspendu dans le vide. Crush ralentit le tempo et détaille un groove indolent. Celle-ci évoque, à travers ses guitares, l’héritage de George Harrison. Le rythme enjoué de Sunday In the Street nous interpelle, son motif de synthétiseur guilleret fait écho au classique Heartbeat de Tahiti 80. La chanson surprend cependant l’auditeur avec un pont ralenti, délicat et presque sixties dans son éclat. Buried Child prolonge l’été indien de quelques semaines, tandis que Pictures amorce la descente tout en douceur, en osant un duo et une guitare acoustique aux tonalités jazzy. Coco Trip est certes une carte de visite, mais une sacrément bien écrite. Difficile de ne pas succomber au charme et à la fraîcheur de Born Idiot : il y a quelque chose de pur et d’innocent dans leur manière d’aborder la pop sans complexes (vis à vis des Américains par exemple) mais avec sincérité et sérieux (à proposer des chansons bien construites et ingénieuses). Souhaitons le meilleur pour Born Idiot, nouvelle preuve de la richesse de la scène rennaise (Kaviar Special, Carambolage, Initials Bouvier Bernois) mais à n’en pas douter, ces chansons ne seront pas les dernières à s’immiscer dans les interstices de nos âmes.