Avec son tout nouvel album Musical Chairs, le trio à géométrie variable de Cincinnati/Ohio vient de donner une suite convaincante à son LP inaugural Hopscoth Fever. En 2024, ce premier disque – très court mais qui contenait déjà d’excellentes choses – nous avait mis en appétit et donné envie d’entendre la suite au plus vite. On avait aimé le mélange de guitares en son clair, tantôt jangly, tantôt dissonantes, avec certains éléments stylistiques de l’univers egg-punk – allusion aux rythmiques souvent rapides et saccadées -, mais avec un côté moins rock et presque pop, comme si les regrettés Lithics avaient décidé de calmer le jeu et de sortir de l’orthodoxie du genre.

Les voici de retour avec dix nouveaux morceaux dans la même veine, mais avec peut-être plus d’explorations et de vagabondage dans différents territoires. Ainsi, le morceau d’ouverture du disque fait songer aux Feelies qui auraient remplacé Glenn Mercer par Ari-Up des Slits pour assurer le chant, avec ce léger grain de folie qui faisait le charme de l’icône post-punk. Circles, premier single extrait du disque, au premier abord nettement plus pop mais qui évolue vite vers une atmosphère plus bizarre, s’impose comme le tube de ce nouveau LP, ne manquant pas au passage de faire sourire avec ses textes rigolos sur les chiens. On peine à croire que celui-ci a été composé presque entre deux portes, au moment de la pause déjeuner ! On notera au passage la présence remarquée d’Eric Dietrich de The Drin au saxophone à la fin de ce morceau, lui donnant une couleur plus intéressante encore. Plusieurs titres comme Yaya ou Late to the Party font plutôt penser à l’univers post-punk de Liliput/Kleenex, avec ce genre d’association de basse bien groovy et de guitares dissonantes et cette voix chantée-parlée à la Chrigle Freund. Mention spéciale aussi pour le deuxième single du disque Hallelujah qui rappelle un curieux mélange de Stroppies et de Raincoats. Saluons au passage la remarquable maîtrise technique des membres d’Artificial Go, Angie Willcutt, Micah Wu et Cole Gilfilen, notamment sur ce morceau de bravoure vocal et bassisitique !
On peut également apprécier un usage inattendu de guitare acoustique sur Tight Rope Walker, morceau folk plus apaisé qui montre encore la capacité d’adaptation vocale d’Angie Willcutt, capable de faire feu de tout bois avec une étonnante facilité, et l’apparent refus du groupe de s’imposer trop drastiquement des limites. Sur ce nouveau disque inventif, aucun titre n’ennuie jamais et on se surprend même à apprécier le dub final Sky Burial, qui nous emmène encore ailleurs, avec la même spontanéité et le même plaisir communicatif que le groupe semble prendre à jouer ensemble et à fuir en permanence la position conquise.