Simon Love devrait être une pop star millionnaire. Il a les tubes, il a l’attitude, il a la personnalité, il porte des costumes bien taillés et de belles chemises. Pourquoi alors n’entend-on pas en boucle à la radio une chanson comme The New Adam and Eve ? Pourquoi Love is a Dirty Word n’est-elle pas devenue le titre phare de la BO d’une comédie romantique avec Hugh Grant ? Pourquoi Xs and Os, de son premier groupe The Loves, n’a-t-elle pas atteint 1 millions de vues sur Youtube ? Pourquoi Motherfuckers n’a t-elle pas acquis le statut d’hymne de fin de soirée, qu’on chante allégrement en chœur après avoir ingurgité un nombre conséquent de pintes ? Pourquoi Joey Ramone et son clip désopilant n’a-t-elle pas fait un buzz viral sur les réseaux sociaux ? Pourquoi Not If I See You First n’a-t-elle pas été acclamée avec plus d’enthousiasme ? La musique de Simon Love est pourtant facile d’accès et même parfaitement compatible avec le succès de masse.
L’explication vient certainement du fait qu’il arrive au mauvais moment, celui où on n’achète plus de disques, où les gamins se sont éloignés de la pop, où les radios nationales préfèrent promouvoir ce que les gens aiment déjà que ce qu’ils pourraient aimer. Oui, il y a 25 ans, Simon Love aurait certainement côtoyé Pulp, Supergrass, Oasis, Blur et Hefner sur les compiles du NME, et aurait peut-être été programmé à Glastonbury ou à Reading. Mais voilà, Simon Love persiste à ne pas céder à ce qu’Hannah Arendt appelait « la dégradante obligation d’être de son temps ».
Trêve de jérémiades, consolons-nous à l’idée de pouvoir savourer les disques du dandy cool gallois émigré à Londres dont le dernier a été diffusé par Tapete Records, label qui héberge également Robert Forster des Go-Betweens. Espérons qu’il nous fera le plaisir d’assurer quelques dates en France, car pour avoir eu l’occasion de le voir en live deux fois de suite en l’espace d’une semaine, Simon Love et ses Old Romantics possèdent un sacré talent de performers. Sur scène, ils sont non seulement bons mais très drôles, toujours surprenants et cools. Je suis d’ailleurs fan de son trompettiste, sosie pince-sans-rire de Yul Brynner, qui apporte vraiment au groupe, tant en studio qu’en concert. Simon Love est également très convaincant en version solo acoustique et possède un répertoire de compositions et de reprises assez vaste. D’ailleurs, il ne faut pas manquer d’aller écouter son interprétation très réussie de Pablo Picasso des Modern Lovers avec The Loves. En attendant ses prochaines frasques pop, réjouissons-nous de l’entendre évoquer son actualité et ses projets.
Comment définirais-tu ta musique ?
Je fais de la musique impopulaire.
Ne te sens-tu pas parfois un peu seul à faire de la pop dans ton style ?
Je m’y suis habitué malheureusement. Il y a malgré tout quelques groupes qui font une musique dans le même esprit. Je peux citer par exemple Alex And The Christopher Hale, un groupe de Nottingham, ou encore Joe Kane, artiste de Glasgow. On fait une pop un peu retro avec une touche de modernité.
Est-ce que tu arrives à vivre de ton art ? Est-ce que ta signature chez Tapete Records a été fructueuse pour toi ?
Je ne suis malheureusement jamais parvenu à vivre de mon art. De temps en temps, je perçois un peu de fric de mes royalties, mais pas au point de pouvoir arrêter de bosser. Tapete a assuré pour la promotion de Sincerely, S. Love x et les titres ont été très diffusés ici sur la chaîne 6 Music, et pas mal aussi à la radio allemande. Je ne sais pas trop s’ils ont envie de refaire un album avec moi, et si c’est le cas, je sortirai le prochain moi-même, sauf si j’arrive à embobiner un autre label pour qu’il m’aide. Pour toute proposition, n’hésitez pas à me contacter via mon site internet.
Tes textes sont très drôles, comment procèdes-tu pour écrire tes chansons ?
Je suis content que l’humour de mes chansons soit perçu par des auditeurs d’autres pays. Quand on a joué en dehors de l’Angleterre, j’ai eu peur que personne ne comprenne rien aux paroles, mais j’ai pu constater que les gens se marraient aux mêmes moments que les anglophones. J’écris mes chansons lentement, et de plus en plus lentement ces derniers temps. Je ne dispose que de très peu de temps libre pour essayer de composer. En général, je m’inspire de mon propre vécu. Une de mes nouvelles compos parle d’un coup d’un soir qui n’a pas abouti, en 2014. Ça avait commencé par une salve de Tweets que j’avais postés une nuit d’insomnie après être tombé sur une photo prise ce soir-là, et quelqu’un a fait remarquer que ça sonnait comme une chanson de Leonard Cohen. Au bout du compte, ça ressemble (du moins je l’espère) à une de ces longues chansons sans refrain de Bob Dylan du milieu des années 60.
Pourquoi as-tu décidé de passer des Loves à « Simon Love and the Old Romantics » ? Comment as-tu recruté tes nouveaux musiciens les « Old Romantics » ?
The Loves se sont arrêtés en 2011 parce que j’en avais marre de jouer devant dix personnes et que j’avais envie de lancer un groupe de filles pour me faire du blé. Cette idée a donné lieu au groupe Knickers, après la publication d’une annonce sur un site Internet disant « CHERCHE FILLE FRANÇAISE ». On a sorti un EP sur le label espagnol Elefant, mais ma copine m’a posé un ultimatum : elle ou le groupe. J’ai mal choisi. C’était marrant de voir comment étaient perçues mes chansons lorsqu’elles étaient interprétées par une jolie nana. Le truc a duré à peu près six mois. Il arrive encore aux Loves de jouer ensemble. C’est toujours chouette. La première fois qu’on s’est reformés, on avait trois guitaristes, deux claviéristes, cinq chanteurs et deux batteurs. Je m’en veux encore de ne pas avoir demandé à quelqu’un de filmer ce concert ahurissant.
En France, les gens qui vont à des concerts de pop ont en général entre 30 et 55 ans, est-ce la même chose en Angleterre ? La pop est-elle devenue une musique de vieux ?
Je crois que le public est un peu plus jeune par ici, genre de 16-17 ans à 35 ans ? De mon côté, je ne vais plus voir des concerts que quelques fois par an, vu que je suis devenu vieux et que je ne comprends plus rien à la musique d’aujourd’hui.
Quel groupes/ artistes écoutes-tu en ce moment ? Quels sont les artistes qui t’insupportent en ce moment ?
En ce moment, j’écoute beaucoup d’albums des Kinks des années 70, de Muswell Hillbillies à Schoolboys In Disgrace, et Kevin Ayers jusqu’à Rainbow Takeaway. Parmi les nouveaux disques que j’ai aimés cette année, il y a On The Line de Jenny Lewis, Cuz I Love You de Lizzo, The Kings Mouth des Flaming Lips, l’album de Purple Mountains et Transience de Wreckless Eric, mon nouvel album préféré, je crois. Quant à ce qui m’est insupportable, et comme par chance je n’écoute pas la radio, je ne connais pas bien la musique populaire d’aujourd’hui. La dernière fois que j’ai dû bosser dans un endroit où ils passaient une radio commerciale, j’ai dû me farcir un mash-up Lady Gaga / Journey quatre fois par jour, soit l’équivalent musical d’un SIDA atteint d’un cancer. Et puis, évidemment, il y a toujours le détestable Miles Kane, qui doit avoir tout un dossier de photos scandaleuses des gros bonnets de l’industrie musicale. Je ne vois pas par quel autre moyen il parvient à continuer de sortir des disques.
Que fais-tu en ce moment ? Quels sont tes projets ?
Pour l’instant, on n’a rien de concret de prévu. On est un peu en suspens. Avec les Old Romantics, on se retrouve de temps à autre pour répéter mes nouvelles chansons, mais je ne sais pas trop ce qui va se passer avec eux.
On a un concert de prévu avec The School et Catenary Wives entre autres au Lexington à Londres, le samedi d’avant Noël.
Quel est ton meilleur souvenir avec le groupe ?
Je dirais que notre concert de l’année dernière à Vienne, en Autriche, a été un point culminant. C’était bondé et le public acclamait quand on commençait une chanson sans dire de laquelle il s’agissait, ce qui donne l’impression de faire partie d’un vrai groupe.
Quels sont tes endroits préférés à Londres pour voir des concerts ?
J’adore voir des groupes au Lexington, vu que le son y est toujours impeccable, et aussi au Paper Dress à Hackney. C’est très près de chez moi, ce qui veut dire que je peux être rentré dix minutes après la dernière chanson.