« The best things in life are free / But you can give them to the birds and bees ». Même quand il ne circule plus, il continue de faire tourner les têtes et le monde. Le flouze, le grisbi, la maille, le bif. Les bourses chutent, la récession pointe, le virus décime, mais prenons garde à ce qu’il n’ait pas la peau de l’économie. La BCE peut bien injecter 750 milliards d’argent frais pour que le manège continue de tourner, à mon micro niveau l’équation est simple, la loi du marché devient un jeu d’enfant. Confiné, je ne gagne plus grand chose, mais confiné je dépense guère davantage (et je pourrai facilement atteindre l’équilibre si je levais le pied sur le Bourgogne). Au bout du compte, je trouve ça plutôt ça sain. J’envisage même de me remettre au troc. Je connais près de Nemours un type (un soit-disant proche de « Pristine » Christine Lagarde) qui n’a pas d’oursins dans les poches et qui est prêt à me céder deux caisses d’Aloxe-Corton 2015 en échange de ma copie near mint du premier single Sarah des Sea Urchins (et je n’ose pas vous avouer ce qu’il consentirait lâcher pour le Strike Up Matches d’Episode Four). Evidemment, tout ça n’engage que moi et je vous autorise à me chercher des poux ou m’agonir (soyez originaux sur les noms d’oiseaux, je vous rappelle que j’ai un gamin qui veut devenir ornithologue), à condition de laisser ce cher Henri Calet en dehors de tout ça.
On en arrive donc au disque du jour, qui n’est pas (j’entends des soupirs de déception au fond) Argent Trop Cher de Téléphone, mais bien Money (That’s What I Want), écrit par Janie Bradford et Berry Gordy, qui venait tout juste de mettre sur pied la Motown. Enregistré en août 1959 par Barrett Strong, le titre, sous étiquette Tamla, mettra près d’un an à se propager pour devenir en juin 1960 le tout premier hit du Label de Hitsville (ou de Detroit, on n’est pas contrariant).
Près de 20 ans plus tard, la reprise décharnée et post-moderne de Money par les Flying Lizards atteindra le 4ème rang des charts britanniques, une réjouissante incongruité compte tenu du budget et des conditions d’enregistrement, ainsi que du pedigree de ces reptiles emmenés par un certain David Cunningham.
Comme nombre d’étudiants fréquentant les art schools anglaises dans les années 70, David baignera dans les théories marxistes et tentera de les appliquer aux champs de la peinture, de la vidéo balbutiante, et enfin de la musique. Il enregistre en 1977 Grey Scale, un premier album inspiré à la fois par les travaux et les pianos préparés de John Cage et par le minimaliste Decay Music que Michael Nyman vient tout juste de publier sur Obscure, le label de Brian Eno. Alerté par un camarade qui lui fait remarquer que les seules chansons qui cartonnent sont celles qui tournent autour du sexe, des voitures ou du fric, il exhume de la pile de 45 tours qu’il achète compulsivement pour quelques pennies dans les flea markets londoniens le Money de Barrett Strong. L’idée de Cunningham est simple : il veut mixer deux de ses marottes du moment, le monolithique Silver Machine de Hawkwind (avec Lemmy au chant) et le I Feel Love de Donna Summer, pour en faire une sorte de novelty abstraite. Il commence par travailler seul dans le studio qu’il a aménagé dans un bâtiment frigorifique abandonné, puis propose à quelques unes de ses connaissances de le rejoindre. Parmi eux, le multi-instrumentiste Steve Beresford (qui plus tard montera The Melody Four avec Lol Coxhill et Tony Coe, formation fer de lance du label Nato de Jean Rochard) et un de ses acolytes avant-gardiste, David Toop, futur auteur de Ocean of Sound, indépassable somme sur les musiques ambiantes. A ce noyau dur viendront s’agréger Vivien Goldman, pas encore madone des Lavomatic, ainsi que Patti Palladin, échappée de Snatch (et qui n’aura cesse dix ans plus tard de susurrer en vain à l’oreille de J. Thunders « laisse tomber la neige, Johnny »). Le titre sera enregistré en prenant à rebours toutes les règles usitées dans les studios – et en ce sens Cunningham consent qu’il y a des gènes (post) punk dans son Money – avant d’y adjoindre la voix désaffectée d’une chanteuse inexpérimentée, Deborah Evans-Stickland, sorte d’Alison Statton qui peinerait à nous filer le frisson. Et le tour est joué. Le titre sort au début de l’été 1979 et vient se nicher dans le Top 5. Une anomalie ? Pas si sûr. Plutôt un sens certain du Zeitgeist. Deux mois plus tôt Margaret Thatcher avait investi le 10 Downing Street. Ce n’est pas elle qui ici annonce cyniquement son programme (« Money don’t get everything it’s true / But what I don’t get I can’t use – I want money »), mais assurément elle eût été parfaite dans le rôle.
, » à condition de laisser ce cher Henri Calet » ,lol parlons alors de emmanuel bove ou de louis calaferte 🙂
Avec plaisir. La découverte de « Mes amis », il y a près de 40 ans, fut un moment important de mon adolescence. Et je profiterais bien de ce temps suspendu pour enfin le relire. Merci à vous d’avoir ravivé ce souvenir.
En ce moment je relie journal écrit en hiver de bove et tous les carnet de l’immense louis calaferte ,Mr calaferte c’est mon père spirituel ,je suis comme lui un pur autodidacte rital