On dit du souvenir qu’il embellit – c’est alors, je crois, qu’il se métamorphose en nostalgie. Sincèrement, je n’en sais rien… Mais ce n’est peut-être pas faux. Combien de fois, sur la seule foi d’une photo, d’une mélodie qui trottait dans la tête, d’une odeur, d’une sensation, est-on parti sur les traces d’un passé plus ou moins récent pour – parfois, souvent ? – constater que ce n’était plus tout à fait comme avant – comprendre que c’était un peu décevant ?
Le dimanche 9 décembre, ce ne fut pas un réveil tout à fait comme les autres. Depuis Dijon, passionné de la chose musicale, réalisateur et animateur radio amateur dès que son costume d’enseignant lui en laisse le temps, Sébastien Faits-Divers – la prochaine fois, vous me ferez penser à lui demander si ce pseudo a quelque chose à voir avec la chanson de Téléphone (mais je ne crois pas) – m’avait fait parvenir un lien « secret » qui menait jusqu’à un concert filmé par ses soins. Un concert auquel j’avais eu la chance d’assister – ce qui n’aurait sans doute pas été le cas si Michel Valente n’avait pas accepté de partir sur la route avec moi. Un concert – The Apartments sur la scène de la péniche Le Sonic, à Lyon – au sujet duquel iI y a près de deux mois j’écrivais quelques lignes pour tenter de partager toutes les émotions que j’avais dû affronter – c’est vrai, la plupart du temps accompagné d’un verre de vin blanc. Au début de l’un des paragraphes, j’avais affirmé que “je me souviendrai sans doute très précisément du 12 octobre 2018”. Alors, autant vous dire que je ne brillais guère au moment de cliquer sur le « play » qui allait lancer la vidéo tant je redoutais d’être déçu – pas par le film, pas par le groupe, pas par les chansons, mais par ce fichu souvenir que je m’en étais fait. Et puis…
Réalisé noir et blanc – mais, entre nous, comment pouvait-il en être autrement ? –, dévoilant les treize chansons jouées ce soir-là, ce Live In Lyon tient du miracle. Miracle de ces chansons jouées sur un fil, miracle de cette complicité étourdissante entre le guitariste Antoine Chaperon, la chanteuse et instrumentiste Natasha Penot et le maitre des lieux Peter Milton Walsh, ressemblant plus que jamais sur cette petite scène à un mélange subtil (oui, je sais, je l’ai déjà écrit, mais j’aimerais vraiment que tout le monde l’entende) entre Scott Walker et Bob le Flambeur. Et voilà que le souvenir, qui n’était pourtant pas rien, sort indemne de ces soixante-quinze minutes défilant avec élégance. Sur les chansons jouées et les émotions suscitées ce soir-là (une fois encore, malgré le filtre de l’écran, j’ai eu des frissons sur l’intro de Goodbye Train), j’ai déjà presque tout écrit – on garde quand même toujours certaines choses pour soi. En revanche, jamais je n’aurais osé imaginer à quel point ce souvenir et ce qui était réellement arrivé ce soir-là se superposeraient. Le film réalisé par Sébastien Faits-Divers en est la preuve. Une preuve que je vais garder soigneusement. Une preuve qui vient figer – ce qui n’est pas banal pour des images en mouvement – la réalité d’un souvenir. Pour l’éternité.
MERCI. QUEL CADEAU !