Le risque, avec un groupe comme The Field, c’est d’avoir un peu le sentiment d’écouter le même disque à chaque nouvelle sortie, tellement le choix esthétique défendu par le Suédois Axel Willner est précis et pointu. Des titres longs, instrumentaux, et progressifs qui puisent dans le dénominateur commun entre shoegaze, krautrock et techno.
Des pochettes à la monochromie blanc cassé où le nom du groupe et le titre de l’album sont visiblement écrits par la main même de son auteur. À une exception près… Cette fois, pour son quatrième LP, la pochette est noire. Le message n’est pourtant pas aussi manichéen qu’il n’en a l’air car cet homme travaille dans la continuité, et pas dans la rupture. Ici, le temps est étiré, et les boules sont infinies, et chaque album semble être la nouvelle pièce d’un puzzle dont personne ne semble connaître le secret ou l’issue. Cupid’s Head ne surprendra donc pas vraiment, mais emportera son auditeur certainement aussi loin qu’il l’a été dans le passé avec The Field. They Won’t See Me, en ouverture, laisse cependant présager une tonalité plus dark que sur le lumineux Looping State Of Mind (2011), en gardant toutefois toujours cet aspect ascensionnel totalement sidérant. Plus loin, Black Sea semble laisser les eaux sombres l’emporter, vers la fin du titre, sur la brillance apparente de sa surface. Cupid’s Head, construit sur un sample de voix répétitif, scande le nom du Dieu de l’amour en boucle, jusqu’à le vider de son sens, comme une sorte de litanie élégiaque. A Guided Tour nous emmène dans un tempo organique porté par de lointaines voix de femmes. No. No… est le titre le plus étonnant, au beat apparemment déstructuré et lézardé d’échos, mais qui révèle plusieurs phases, dont une dernière étonnante, couronnée de vocaux hypnotiques. En clôture, 20 Seconds Of Affection sont en réalité presque dix minutes d’electronica noisy engourdie. Une fois encore, The Field emporte la mise. On pense à chaque fois qu’il se peut qu’il ait tout dit. Mais c’est toujours loin d’être la vérité.