Esthétique Super 8, couleurs pastels délavées par le soleil, le vidéoclip de Give My All, de l’américain Stimulator Jones (chez Stones Throw) exhale la Californie de toutes les pores de sa peau hâlée. Le groove, tout aussi indolent, finit de nous convaincre que ce jeune homme habite quelque part entre San Diego et Los Angeles… Pourtant il n’en est rien. Sam Lunsford, le producteur et musicien accompli derrière l’énigmatique pseudo, habite à Roanoke en Virginie, sur la Côte Est donc, dans les montagnes de surcroit. Signé sur l’excellent label hip hop indépendant Stones Throw (Jerry Paper, Dâm-Funk, Aloe Blacc mais aussi, il y a un peu plus longtemps en arrière, Madlib ou J Dilla), Stimulator Jones révèle cette année un premier album attachant: Exotic Worlds And Masterful Treasures. Bercé par le hip hop, la soul et le funk, Sam Lunsford a concocté dans son home-studio un disque porté par le souffle de son adolescence. Le temps s’est ainsi arrêté quelque part dans les années quatre vingt-dix sans que la datation ne soit si évidente. Stimulator Jones aborde les genres avec aisance et spontanéité dans un magma syncrétique empruntant ses rythmes au rap boom bap comme à la soul princière, un univers parallèle et personnel dont le panthéon recouvre près de trois décennies (des 70’s aux 90’s). Exotic Worlds And Masterful Treasures est la concrétisation d’un rêve de fan, une œuvre qui dans sa conception même s’enhardit d’une quête impossible: retrouver des sensations, un état d’esprit, une ambiance… Samuel Lunsford, loin d’être troublé par la tâche, l’embrasse de sa passion et un talent certain pour écrire de très belles chansons. La production est tout aussi élégante, musicien accompli (et membre des éminents Young Sinclairs dont nous vous avions parlé), l’américain dévoile ses dispositions à de nombreux instruments (batterie, clavier, basse, guitare, chant, sampling) dans une profusion de textures sélectionnées avec amour. Là, une boîte à rythmes LinnDrum se frotte à un piano électrique Rhodes (le tube Give My All), ici une basse au Moog se mâtine de cocottes de guitare (Water Slide) ou de synthèse FM (Together). Si cette qualité de multi-instrumentiste rappelle forcément un autre musicien (Rogers Nelson) nous soupçonnons l’intéressé de lui préférer The Time. Excellant dans les mid-tempi lascifs et voluptueux (Tripping On You, Soon Never Comes, Need Your Body, Tell Me Girl), Exotic Worlds And Masterful Treasures offre une réjouissante plongée dans notre inconscient à la recherche de sentiments purs et innocents. Un album référencé certes, mais authentique et sincère dans ses intentions : à mille lieux de tout calcul, Stimulator Jones y prend un plaisir évident, et nous avec.
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