Même si on s’en doute toujours un peu, avec une sorte d’excitation un peu stupide mais toujours renouvelée plus de trente ans après, si l’on inclut ses débuts mirobolants au sein des Spacemen 3 (Playing With Fire – 1988, meilleur somnifère imagé de nos insomnies intoxiquées adolescentes et bien au-delà…), on ne sait jamais exactement ce que Jason Pierce va mettre dans sa boîte à musique. Entre le vieil artisan et le joueur de flûte de Hamelin, nous n’avons jamais su choisir, lui non plus, et c’est tant mieux. De biens mauvais esprits auront tôt fait de parler de paralysie artistique et lexicale, tant le vocabulaire aussi bien musical qu’au niveau des mots employés ne varie souvent que de peu. Mais à vrai dire, on s’en fout un peu. Ce qui se vérifie sur A Perfect Miracle, morceau d’ouverture qui reprend, niveau syntaxe, précisément là où s’ouvrait Ladies And Gentlemen We Are Floating Into Space (1997), et son titre éponyme qui annonçait le chef-d’œuvre total et absolu que l’on connaît. Terrain connu, clin d’œil complice et pourtant, si peu de lassitude. La construction, la production et l’ambition de And Nothing Hurt diffère pourtant, plongeant dans les méandres d’un gospel stonien (I’m Your Man) parsemé de références à Dr John (les influences, là non plus ne varient guère…) et livrant sans doute son disque le moins stoogien (comprendre rock) même si au firmament des saillies électriques, On The Sunshine donnerait des frissons bien aigres de jalousie à Primal Scream et The Morning After déhanchant à niveau (bises Zombie CosmicNéman). Let’s Dance n’est pas une reprise de Bowie, loin de là et constitue peut être le moment le plus tendrement achevé du disque, avec sa montée d’arpèges dont la simplicité va s’enrichir d’un final spectorien spatial mais presque modeste. Tout le contraire de Damaged et ses arrangements de cordes somptueux, ou encore en final, Sail On Through et ses chœurs célestes. Il faut dire qu’avec des moyens soi-disant limités, fini le temps des orchestres symphoniques payés par une major, le disque sort chez Bella Union après un passage chez Double Six/Domino (l’excellent Sweet Heart, Sweet Light il y a déjà 6 ans…), Pierce arrive à maintenir son vaisseau plus qu’à flot, à arranger les choses et sa musique pour qu’elles tendent toujours vers des contrées mirifiques et signe à nouveau la continuité d’une œuvre unique et passionnante. Il arrive encore à nous faire trépigner, tripper comme des malades diraient ces connards de hippies. Comme si nous aussi, mus par une fidélité inaltérable, celle qu’on ne réserve qu’aux plus intimes pans de notre discothèque, nous avions plus que jamais besoin de ses sortilèges.
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