On se souvient d’un concert de Sister Iodine aux Instants Chavirés vers la fin des années 2000, qui nous avait totalement chamboulé : la puissance cathartique de la prestation du power trio avant-noise, sa radicalité et l’extrême sophistication de sa déconstruction de l’héritage no-wave, nous avait définitivement convaincu de son importance au sein du paysage des musiques expérimentales. Véritable chainon manquant entre un rock bruitiste — axe Glenn Branca/Sonic Youth (période Bad Moon Rising) — et l’abstract noise électronique — axe Mego/Pan Sonic/Wolf Eyes — , Sister Iodine fait figure de point d’ancrage pour toute une scène française et internationale. Actifs depuis 1992, Lionel Fernandez, Erik Minkkinen et Nicolas Mazet ont en effet élaboré une œuvre à la radicale insularité : formes et formats dont il s’agit de dissoudre les cadres trop établis et contraints, en hybridant d’une manière totalement libre noise, post-rock, power electronic, hardcore ou encore électro-acoustique.
En s’inscrivant dans le sillage de leur précédent album, Venom (2018), avec un jeu autour du détournement de toute une série de gimmicks ou items appartenant l’esthétique d’un certain black metal, Hollozone radicalise un geste de réappropriation et de collages de divers matériaux esthétiques pour atteindre ce type d’abstraction bruitiste qui est précisément la marque de fabrique du trio. Motor Zone, qui ouvre le disque donne immédiatement le ton : l’électronique côtoie un instrumentarium rock plus canonique (la guitare y est poussée dans ses retranchements), en jouant notamment sur un traitement des voix typique du metal. Mais c’est aussi et surtout du côté de territoires post-indus que le disque évolue : Ma réponse est non ou VS évoquent par exemple les assauts sonores de SPK ou d’Esplendor Geometrico. Fondamentalement, c’est à une expérience de la matérialité du sonore que le disque nous convie : boucles et feedbacks bancals, routages buggués ou encore collages de son kamikazes. Bref, une ode à l’analogique déviant qui porte très haut l’ (anti) « art des bruits ».