La compilation Nuggets (1972) est généralement considérée comme fondatrice dans la définition du garage-rock pourtant, entre autres merveilles, un trésor de sunshine pop s’y cache. En 1967, la radio américaine diffuse My World Fell Down de Sagittarius. Reprise d’une chanson des Britanniques de The Ivy League, la titre produit par Gary Usher, collaborateur des Beach Boys et The Byrds, obtient un modeste succès commercial (une soixante-dixième place) aux États-Unis. S’il propose initialement la composition au duo Chad & Jeremy, ces derniers la refusent, obligeant Usher à s’y coller avec un groupe de son invention : Sagittarius. Un an plus tard, Columbia donne au producteur l’opportunité de poursuivre l’expérience le long d’un album. Ce sera le magistral Present Tense. Il s’entoure d’une fine équipe comprenant par exemple Lee Mallory et surtout Curt Boettcher. Si ce dernier était absent pour My World Fell Down, il est l’âme de ce projet au coté d’Usher (qui se charge des arrangements). Membre de The Ballroom puis The Millennium, il se fait un nom en écrivant et produisant les sensationnels The Association. Ensemble, les deux musiciens créent une des œuvres les plus réussies et ambitieuses de la sunshine pop. Musique californienne par excellence, le genre prolonge les expérimentations, la richesse des arrangements et l’appétence pour les mélodies sucrées des Beach Boys, The Mamas and The Papas ou The 5th Dimension. En onze chansons, Sagittarius se saisit de cette sunshine pop et en pousse les curseurs un peu plus loin. Song to the Magic Frog convoque Simon & Garfunkel sur un falsetto des plus angéliques. Glass nous plonge dans voyage psychédélique aux confins de l’orient (avec sa sitar) tandis que The Truth Is Not Real ressemble à un inédit des Beatles de la période Magical Mystery Tour. Sagittarius s’éprend aussi du Mellotron sur la délicate Would Like to Go. Les magnifiques harmonies d’Hotel Indiscret nous envahissent d’une douce nostalgie. Sur I’m Not Living Here, Sagittarius se frotte au rock californien de Buffalo Springfield ou The Merry-Go-Round. Present Tense surprend ainsi par la justesse de ses équilibres.
Sagittarius ne se complait jamais dans une pop excessivement légère, car Usher et Boettcher amènent ici et là du contraste. Celui-ci souligne les qualités d’écriture et de production de Sagittarius. Le groupe explore les possibilités données par le studio à travers mille nuances d’instruments. Album concis et condensé, Present Tense n’en est que plus percutant malgré sa délicatesse. Un an plus tard, Sagittarius remet le couvert avec The Blue Marble (1969). Signe des temps, le Moog y est omniprésent, à l’inverse de Curt Boettcher. Gary Usher s’y montre inspiré mais Present Tense semble se saisir d’un cours instant dans l’histoire de la musique où tout était possible. Succès modeste à l’époque, sa réhabilitation a placé Present Tense à sa véritable place, dans le cœur des plus esthètes de la musique pop.