En 2001, Jason Pierce ne lâchait pas la rampe et sortait Let It Come Down. En se promenant entre les rayons d’un disquaire, il ne passait pas inaperçu. Plus fort que Peter Saville et Bernard Sumner réunis, Jason Pierce faisait méticuleusement le nécessaire pour faire dépenser des fortunes à son label pour la fabrication des pochettes de ses albums. Après Ladies And Gentlemen We Are Floating In Space et sa pochette en forme de boîte de comprimés de médicament, Let It Come Down surgit avec dans les bacs une pochette cartonnée et son motif imprimé en relief. En 2001, les labels avaient de l’argent et pouvaient se permettre quelques folies graphistes. De la folie, il en est nullement question avec Jason Pierce qui a et qui réglera toujours tout au cordeau. Les pochettes ont et seront toujours créées par Farrow Design (Pet Shop Boys), les photographies ont et seront toujours signées Steve Gullick (Damien Jurado, Jason Molina) ou John Ross et les chansons de l’ex Spacemen 3 seront toujours une rencontre étrange entre le Velvet Underground et les Stooges. En 2023, aller voir Jason Pierce en concert, c’est être sur des rails dans une locomotive dont la chaudière serait remplie de champignons.
Comme à son habitude, Pierce joue dans une position qui le place de côté par rapport au public. Tout étant réglé comme du papier, les morceaux vont défiler mécaniquement et faire leur travail de sape. Pierce ne pipera pas un mot pour le public et fait ce qu’il a toujours fait. Malgré des problèmes de santé évidents, Jason Pierce est toujours ce type qui en impose autant que Liam Gallagher et Damon Albarn réunis. En 2001, posant clope au bec devant John Ross, Pierce tenait bon alors qu’Oasis était dans la semoule et que Blur devait se priver de Coxon. Vingt-deux ans plus tard, il est toujours là. Et tout était trop beau à la Gaîté Lyrique pendant les deux heures de son concert. Évidemment, Jason Pierce n’a pas fait l’impasse sur les titres de Ladies and Gentlemen We Are Floating in Space. Un prétexte pour se rappeler les mots échangés avec Darren Allison quant à l’enregistrement de ce disque aussi fou que son auteur.
Comment as-tu rencontré Jason Pierce ?
Darren Allison : Lors de l’été 1995, je travaillais avec Neil Hannon. Je coproduisais avec lui l’album Casanova. C’était un projet ambitieux pour lequel nous avons travaillé dans différents studios. A la fin du mois d’août, nous avons réservé les studios Moles à Bath pour une session d’une semaine. J’ai tout d’abord rencontré Jan Brown, la studio manager. Jan était très emballée par notre travail. Elle était vraiment enthousiaste à propos de ce que nous faisions. Elle venait souvent nous voir car elle aimait bien notre créativité. J’ai fait une grande partie de l’enregistrement en dehors du studio alloué et de ses salles, j’utilisais d’autres parties du bâtiment, en général parce qu’il prêtait un bon type d’ambiance pour une partie, ou parfois pour un certain effet… Le salon, les escaliers et les couloirs ont été des lieux d’enregistrement et j’ai également mis des câbles de micros de l’autre côté de la rue vers le pub voisin, où nous étions. J’avais appris ce genre d’astuces avec Flood. Il m’a fait comprendre comment utiliser un studio comme un instrument. A la même époque, Jan parlait souvent de Jason et de son groupe. Ils avaient été dans le secteur et leurs nouvelles démos étaient visiblement prometteuses. Je rajouterai que Jan avait beaucoup d’affection et de respect pour Jason et son travail. Jan a commencé à suggérer que Jason et moi devions nous rencontrer au fur et à mesure de mon travail avec Neil Hannon. Elle m’a passé les premiers mixes de ses démos et c’était très prometteur. Je pense que Jan était convaincue que Jason et moi allions travailler ensemble alors que nous nous étions pas encore rencontrés. Jan et moi nous sommes restés en contact et, quelques temps après, j’ai reçu un coup de fil de Jason. Nous avons discuté à propos de la direction du disque et du contenu des bandes. Il a précisé qu’il avait besoin de travailler avec un ingénieur qui pourrait également produire pour aider à accélérer le processus. Il voulait quelqu’un capable de prendre des décisions instantanées, capable de reconnaître une bonne prise quand elle était jouée et capable de réparer les bandes et de travailler en autonomie. Jason préférait rester dans la cabine à enregistrer ses parties vocales plutôt que de contrôler le travail des producteurs. J’ai alors dit à Jason que ce qu’il me décrivait était exactement la façon dont j’aimais travailler. Cette énergie et ce travail fait à la volée donnent un résultat plus vif. Ajouté à cela, qu’il y avait un réel potentiel, ici, pour devenir créatif avec l’enregistrement, et entreprendre une véritable aventure avec elle. J’ai donc dit à Jason que j’aimerais absolument être impliqué ! Nous avons touché l’avance du label et nous avons commencé à travailler ensemble à la fin de janvier 1996.
Où avez-vous travaillé ?
The Church Studio – session 01
Darren Allison : En discutant avec Jan, quelques mois plus tôt, j’avais proposé que nous travaillions aux studios The Church. Il s’agissait des studios d’Eurythmics et ils se trouvaient dans le nord de Londres. Je connaissais bien les lieux car j’y vais travaillé comme ingénieur au début des années 90. La salle du premier étage, avec son plafond très élevé et ses immenses vitraux, est un environnement qui favorise l’inspiration. Au niveau de l’acoustique, il y avait une ambiance de son très lourde, longue et dense, que nous avons essayé de contrôler en disposant des tapis et en utilisant des écrans acoustiques. Mais compte tenu de la nature du projet, cette salle était un lieu génial qui permettait de faire un mur de son à la Phil Spector. Nous nous sommes concentrés sur l’exploitation de l’ambiance naturelle de la salle – plutôt que de le combattre – car cela allait rendre les choses magiques. Je pensais que cette approche serait parfaite pour ce disque car les démos faites aux studios The Moles avaient été faites dans de petites salles. Et malgré cette petite taille, elles sonnaient très bien. Je me suis dit que si on enregistrait les mêmes chansons dans un endroit plus grand, nous allions gagner en profondeur. Même si tous les éléments d’orchestre ont été doublés de manière séparée avec des micros placés de manière différente, il faut avoir à l’idée que l’ambiance naturelle est primordiale, qu’elle va imprégner le mix final et donner une couleur au disque. Come Together est un excellent exemple de cela, où les voix partagent le même espace que les chœurs et l’orchestre. J’ai capturé la voix de Jason avec deux types de micros placés là où la chorale était debout. Le résultat qui en découle a un énorme pouvoir.
Darren Allison : La pièce a donc eu une importance cruciale dans le mix final. Par exemple, le solo de trompette qui apparaît dans les derniers moments de Cop Shoot Cop en est une bonne preuve. Roddy a joué de la trompette à une extrémité de la salle, et j’ai placé le micro à l’autre extrémité de celle-ci. Nous avons fait des tests jusqu’à obtenir la bonne distance. Nous avons également eu l’option de deux cabines – une avec un arbre de levage – qui pouvait s’ouvrir dans la salle principale. Cela nous a fourni une énergie nouvelle. Le chant sur Electricity a été enregistré avec Jason debout dans la salle dédiée à la batterie, avec des micros branchés dans celle-ci et en dehors de celle-ci. Nous avions aussi deux grandes enceintes Tannoy dans le hall. On a diffusé dans le hall quelques parties enregistrées aux studios Moles. Je les ai gardées de côté pour le mix final.
Roundhouse Studios
Darren Allison : Après avoir enregistré une grande partie du disque aux studios The Church, le label nous a envoyé aux studios Roundhouse. Ces derniers possédaient des cabines d’enregistrement plus petites et plus sèches. Après avoir évolué dans les grands studios de The Church, nous avons réfléchi à faire les choses d’une manière plus étroite. Un retour aux sources et aux origines pour ainsi dire… Il fallait de plus prendre certaines décisions. Nous nous sommes concentrés sur les chants les plus intimes de l’album. Broken Heart et Cool Waves ont bénéficié de traitements spécifiques. Dans les deux cas, les mélodies magnifiques (et innocentes) semblaient un peu dures lorsqu’elles étaient enregistrées de manière classique. La plupart des micros ne rendent pas justice aux paroles de Jason. Donc pour Broken Heart, j’ai pris une petite tasse en plastique dans laquelle j’ai fait un trou pour y introduire un micro de la taille d’un crayon. Jason chanta doucement dans la tasse de telle sorte que l’ambiance sonore de la pièce avait soudainement été réduit à la taille de cette tasse. Ce chant était magnétique. Entendre cela dans la control room fut merveilleux.
Darren Allison : Quand est venu le temps d’enregistrer Cool Waves, j’ai demandé à deux amis de venir. Il s’agit de Clive Painter et de Martine Roberts des Broken Dog. Ils sont venus avec leur micro Shure appelé Green Bullet. Ils l’avaient utilisé sur leurs disques et l’effet sur la voix de Martine était réussi. Ils l’avaient couplé à un curieux effet de guitare obtenu grâce à une pédale Stone. Le micro Green Bullet a été conçu à l’origine pour être branché sur un amplificateur de guitare, mais je ne voulais pas que la voix de Jason passe par ce type d’ampli. Je voulais seulement le caractère du micro, lui-même – donc la pédale comme un pont permettant de connecter le micro directement à la table de mixage. D’où ce son unique…
Rooster Studio – Session 01
Darren Allison : Nous nous sommes ensuite rendus dans un studio aux frais de fonctionnement moins élevés mais somme toute charmant dans l’ouest de Londres et qui s’appelait le studio Rooster. J’ai choisi cet endroit parce qu’il disposait du système Otari RADAR, que j’avais largement utilisé pour le disque de The Divine Comedy. Le RADAR était un système multi-pistes numérique révolutionnaire, qui permettait, pour la première fois, la manipulation numérique du matériel multidirectionnel. Il fallait une bonne oreille et faire un peu de mathématiques, mais cela signifiait que des groupes entiers de pistes pouvaient être édités simultanément. Le système RADAR nous a donné une grande liberté sans sacrifier la qualité des enregistrements.
The Church Studio – Session 02
Darren Allison : Nous sommes retournés aux studios The Church pour quelques jours pour enregistrer les chansons qui avaient besoin d’une ambiance plus dense. Je me rappelle qu’Angel Corpus Christi est venue faire un tour et nous avons joué quelques titres somptueux dans le hall. Jason a branché son ampli Vox Starstream quand nous étions là et a ajouté quelques effets avec. Je suppose qu’il tentait d’améliorer quelques morceaux enregistrés lors des sessions faites aux studios The Moles. Je pense à des morceaux comme Come Together et Cop Shoot Cop. J’ai également passé un peu de temps à faire les premiers mixes des premiers morceaux que nous avions enregistrés car j’ai dû partir pour travailler avec les Blockheads et Clint Bradley (pour l’album This Hour). Grâce à ça, Jason avait la capacité d’écouter les premiers mixes car il était enfin de retour chez lui.
Rooster Studio #2
Darren Allison : Nous nous sommes retrouvés dans le studio 2 à Abbey Road, pour notre première tentative d’enregistrement des cordes puis nous sommes retournés aux studios Rooster pour finir terminer le travail. Nous avons profité de l’occasion pour finir quelques travaux d’édition et travailler sur le système RADAR.
Olympic Studio 01
Darren Allison : Lorsque nous étions prêts à reprendre le travail sur les parties du Balanescu String Quartet, les studios The Church et ceux d’Abbey Road n’étaient pas disponibles. J’ai donc demandé au label de nous réserver l’Olympic Studio. Ce studio avait hébergé les Stones, Hendrix, Zeppelin, Scott Walker et beaucoup d’autres. Mais la décoration avait changé. Et de manière significative ! Ils avaient installé des déflecteurs cylindriques rotatifs montés dans les murs. Chaque déflecteur avait un côté réfléchissant brillant et un côté de tissu absorbant le son. On pouvait donc modifier le studio comme on le voulait. Pour chaque chanson, j’ai eu une certaine souplesse pour régler le son des cordes, pour compléter l’ambiance globale de la chanson. Le son de The Church Studio a eu un grand impact sur de nombreuses chansons, alors que D’autres encore étaient dominés par le bruit des sessions faites aux studios The Moles.
Memphis
Darren Allison : Une fois les cordes enregistrées et après une petite pause, Jason est parti aux États-Unis pour travailler avec Mac Rebennack, alias Dr. John, pour enregistrer le piano de Cop Shoot Cop. Mac a beaucoup aimé le morceau et a décidé de chanter dessus. Cela m’a fait plaisir car je suis un grand fan de Dr John. Puis, Jason est allé à Memphis pour mixer l’album dans un studio classique de bonne facture mais cela n’a pas fonctionné. Jason m’a alors téléphoné pour me demander si je pouvais prendre le prochain avion pour Memphis, et aller à faire le mix avec lui. Malheureusement, je ne pouvais pas parce que j’étais déjà bloqué aux Jacobs Studios, dans le fin fonds du Surrey, pour terminer l’album de Clint Bradley.
Strongroom Studio 01
Darren Allison : Jason est revenu en Angleterre avec les bandes et nous nous sommes retrouvés dans le studio 1 des studios Strongroom. J’ai choisi ce studio car il possède une console de mixage Neve VR60 et elle permet de faire une kyrielle d’effets dont nous avions besoin. Je pensais que cette console était vraiment adaptée à la musique de Spiritualized. Elle avait des transformateurs assez doux et des égaliseurs « sonores » qui allaient être d’une aide formidable pour essayer d’affiner certaines couches denses de guitares et de batterie des sessions Moles. Lors du mix, j’aime généralement commencer par des chansons complexes qui contiennent le plus d’éléments, afin que nous puissions construire rapidement une image des traitements qui fonctionnent avec chacun des instruments individuels utilisés tout au long du disque. Nous avons commencé par Come Together, Electricity, I Think I’m in Love, All of My Thoughts et Cool Wave. C’est assez habituel d’avoir quelques références à portée de main, c’est-à-dire d’autres albums similaires – de sorte que, de temps en temps, tu peux faire une pause et écouter quelque chose d’autre, juste pour garder la perspective.
Darren Allison : Cependant, Spiritualized a un son totalement unique et notre seule référence était le morceau Pure Phase. L’écriture de Jason ainsi que les arrangements que l’on peut trouver sur Pure Phase ont eu le temps de mûrir.
Les morceaux de ce disque sont d’une qualité exceptionnelle et possède un spectre stéréo large. Jason avait le désir de conserver cette qualité pour les mixes des nouveaux morceaux. En écoutant davantage, en particulier le morceau Good Times, je me suis rendu compte qu’il se passait quelque chose d’étrange comme des changements de variables entre les enceintes gauche et droite. Jason m’a expliqué comment ces chansons avaient réellement été mixées deux fois par différentes personnes et comment elles avaient été assemblées de manière digitale. Certains te diront que c’est un non sens technique. Le mix final est issu de deux machines qui ont chacun leur vitesse. Il n’y a donc pas de mix : tu as seulement une enceinte gauche autonome et une enceinte droite indépendante et rien ne les relie. Tu crois qu’il y a un milieu, mais c’est une illusion !
Darren Allison : Jason a tenté de mettre au même niveau les machines. La vérité est que tu ne peux jamais atteindre la perfection ultime. Mais cette zone qui frôle la perfection est l’endroit où commence la magie. Plus elles sont proches plus est apparente cette sensation d’un « milieu ». Nous avons couplé ce son progressif aux mouvements fantômes dans le champ stéréo. Bien que cela semble très simple à faire, ce fut un travail assez fastidieux. Mais cela en vaut la peine, car le résultat final peut être totalement génial.
Darren Allison : ne fut pas le cas sur les parties plus légères du disque. Cela est devenu un véritable défi pour mixer les nouvelles chansons. J’ai rapidement compris que nous ne pourrions pas obtenir un tel résultat avec un seul mix ! Notre machine à bande multipistes ne pouvait pas se trouver dans deux endroits différents à la fois. Cela aurait été un peu paradoxal ! En réalité, la seule façon possible de le faire aurait été d’utiliser la méthode de post-production éprouvée de Jason, comme ils l’avaient fait sur Good Times, et pour cela, nous avions besoin d’un second mix. Comme beaucoup de chansons du disque étaient très soul, j’ai personnellement pensé que ce serait dommage de détruire les détails au sein de ces nouvelles chansons, en les soumettant à la méthode de mixage fractionné. Nous avons donc essayé de faire le maximum avec un seul mix. Je me suis concentré et j’ai tenté de donner une impression de largeur. J’ai rusé pour dépasser les limites des enceintes. J’ai fabriqué un micro pour garder le côté sauvage de certaines chansons. Après avoir fait tout un tas de mixes, Jason a fait venir John Leckie pour en faire un ou deux. Les Moles ont mis aussi un coup de couteau sur quelques morceaux. Mads a ainsi pu commencer le travail de post-production. À la fin, cependant, je pense que Come Together et I Think I’m In Love ont été soumis à un traitement de soufflage fractionné. Come Together a quant à lui subi un lifting complet. C’était génial que Jason ait soulevé cette question de « mixage fractionné » car cela nous a permis d’associer des choses qu’on croyait impossible à associer. En fin de compte, la qualité spectrale de l’album résulte de cette lecture. Et, je dois dire, cela a certainement alimenté mon intérêt pour une certaine ambition liée au son. Après cela, j’ai développé mes propres méthodes que tu peux entendre sur des albums ultérieurs que j’ai fait avec Efterklang (Parades), Amatorski (TBC) et Daisy Bell (London).
Ce fut un enregistrement facile ?
Darren Allison : Globalement, les choses se sont faites facilement. Disons que le disque était musicalement et techniquement difficile à faire, mais les sessions ont été détendues et se sont faites toutes seules. Quand tu travailles avec des gens talentueux comme The Kick Horns, The London Community Gospel Choir, The Balanescu Quartet ou BJ Cole… Tout se passe bien. Ils ont tellement d’expérience que tu arrives au résultat désiré sans trop communiquer. Nous avons seulement eu un faux départ. Il s’agissait de notre première session à Abbey Road où la personne en charge des arrangements n’a pas réussi à monter ensemble les différentes parties. Nous avons reçues des parties qui n’avaient aucun sens et qui semblaient incomplètes.
Darren Allison : Je me rappelle être assis dans la salle live du Studio 2 avec Jason et le quatuor. Nous écoutions toutes les parties en identifiant ce qui pouvait fonctionner. Clare et Alex ont suggéré de nouveaux arrangements. Clare a pris les partitions et a en a écrit de nouveaux. Je ne me souviens pas d’aller n’importe où pour vérifier les nouveaux arrangements ! Lorsque nous nous sommes réunis, cette fois-ci aux Olympic Studios, les parties étaient travaillées magnifiquement. Sur le plan technique, nous avons rencontré notre premier défi lors des premières sessions aux studios The Church. En effet les cassettes n’avaient pas assez d’espace pour contenir tout ce que nous voulions enregistrer. J’en ai donc parlé au label, et nous avons pris la décision d’améliorer la session en passant au 48 pistes. Attention, cela ne signifie qu’une machine supplémentaire de 24 pistes a dû être achetée. Pour ne pas dépasser le budget, j’ai fait des sous-mixes de la bande maîtresse sur quelques pistes de la nouvelle bobine esclave (à des fins de surveillance), et je pouvais ensuite renvoyer la machine louée. Ensuite, nous avons enregistré de nouveaux éléments sur les pistes libres des bobines esclaves. Ainsi nous avons pu continuer à travailler dans des studios avec des 24 pistes… qui étaient moins chers. Je pense que l’accès au système RADAR nous a beaucoup aidé. Il a été utilisé à de nombreuses reprises. Il nous a offert une puissance d’édition hallucinante pour l’époque. Ce fut un sacré bonus.
Quels sont tes meilleurs souvenirs ?
Darren Allison : Bien, sur un projet comme ça, tu as plusieurs moments marquants et ça dans plusieurs endroits. J’ai donc plusieurs bons souvenirs. D’autant plus que j’ai travaillé avec un orchestre, ce qui est quelque chose de très particulier. Nous, les gars de studio, nous avons tendance à être de véritables maniaques. J’ai failli faire une crise cardiaque quand l’ampli Vox Starstream a été sorti de son étui. Je n’en avais pas vu un seul en vrai pendant de nombreuses années, pas depuis 1978, à Rock City Music à Newcastle, où mon père et moi avions l’habitude d’aller quand j’étais gosse. Je me souviens d’être hypnotisé par cette chose, à l’époque… J’ai été très nostalgique d’en utiliser un. Ecouter, pour la première fois, ce que Dr John avait joué fut aussi un grand moment qui m’a donné des frissons.
Darren Allison : Mais le plus spectaculaire, pour moi, était quand les Kick Horns étaient là. Sur la chanson No God Only Religion, nous avions cette partie de clavier qui sonnait comme un faux son de corne et qui était joué à peu près – soit par Kate soit par Jason – en utilisant uniquement les deux index de chaque main. C’était destiné à servir de guide pour les Kick Horns, mais Jason voulait conserver le phrasé sauvage, alors il a demandé aux Kicks s’ils pouvaient copier cette partie, presque textuellement ! Simon des Kick Horns a travaillé avec un échantillon que j’avais réussi à isoler. Les Kick Horns sont revenus quelques jours plus tard, et Simon a fait ses parties sur No God Only Religion. Je ne pouvais pas croire ce que j’entendais. Il avait réussi à transcrire les consignes de Jason. L’ambiance dans le studio était dingue. Ils avaient réussi l’impossible.