Pour son édition 2019, le Paris Music Festival à eu l’idée géniale de proposer la Cathédrale Américaine de Paris à Zombie Zombie pour un concert exceptionnel, accompagné de la chorale déjà présente sur la BO de L’Heure de la Sortie, le second film de Sébastien Marnier dont le groupe a composé la musique.
La ligne 9 m’a toujours intrigué tant elle semble relier la France d’en bas à celle d’en haut en l’espace d’à peine quelques stations. D’un côté la porte de Montreuil, ses puces, le marché aux voleurs et le siège historique de la CGT, de l’autre les beaux quartiers ; Paris aux pieds de la Tour Eiffel, les Rolls, les rires feutrés et les armoires à champagne à l’entrée des Franprix.
À quelques centaines de mètres de la Cathédrale Américaine de Paris, je croise des silhouettes grand luxe, des designs hors de prix, des femmes et des voitures inconnues sur le territoire du 93, sinon dans les clips bling bling et bon marché qui inondent les réseaux. Finalement je me dis que ces populations que tout oppose ne sont pas si différentes dans leurs goûts. Le luxe est chose ostentatoire, chacun l’affiche à sa façon : en le portant où en le fantasmant. Mais en l’exhibant avec une certaine morgue dans tous les cas de figures.
À mon arrivée avenue Georges V, la cathédrale repose encore d’un sommeil de marbre. L’espace temps est courbé, reclus sous les voûtes, contenu dans le silence coupable de l’attrition.
Seuls deux immenses projecteurs déchirent la pénombre. Ils braquent leurs faisceaux crus sur l’autel principal, traversé de câbles électriques et d’intentions profanes. C’est là, au pied du grand escalier, dans ce carré sacré dévolu à la Sainte Trinité, que vont se produire Zombie Zombie et la chorale du conservatoire de Clamart présente sur la BO du film de Sébastien Marnier. Exposé à la lumière, Etienne Jaumet se concentre sur ses potards, attentif aux indications de la régie. Nemar et Dr Schönberg attendent l’installation des derniers micros pour tester les tomes et les cymbales avec des frappes sèches et martiales comme des promesses d’orage. Une série de relais court le long des allées pour distribuer le son d’un bout à l’autre de l’église. Aucun mot inutile n’est prononcé, l’affaire s’annonce précise et délicate. Les petits chanteurs finissent par arriver. Ils investissent la scène par grappes successives. C’est la toute première fois qu’ils jouent ensemble avec Zombie Zombie car, pour des raisons de logistique et d’organisation, l’enregistrement de la BO n’a pas donné lieu à une véritable rencontre. Ils vont évidemment interpréter Free Money et Pissing in a River, les titres de Patti Smith qui donnent sa singularité à la musique de L’Heure de la Sortie, mais ce n’est pas tout. Ce soir, le public aura droit à un bonus track, une revisite de Rocket Number 9 sorti en 2012 chez Versatile Records. Le soundcheck donne du temps au temps. La cheffe de choeur oscille entre transe et rigueur. Sous sa baguette, les gosses affichent des sourires de circonstance, comme autant de signaux faibles qui trahissent le stress, l’excitation et l’angoisse de la situation. Serein, Etienne Jaumet les garde dans son viseur alors que le groupe avance dans cette balance hors du commun, qui se poursuit d’ailleurs au-delà de l’heure de l’ouverture des portes, prévue à 19h45. Le concert aura simplement lieu avec un léger différé, le temps de laisser les 500 spectateurs s’installer tranquillement. En coulisses, l’agitation rappelle l’atmosphère de cour de récré, comme pour une scène de making of du film. Neman est dans son coin mais totalement disponible, Etienne Jaumet dialogue avec l’écran de son smartphone, et seul Dr Schönberg montre quelques légers signes de trac apparent. Jusqu’au coup d’envoi, où la salle découvre enfin ce line up inédit, réunit au grand complet sur l’autel transfiguré. Tenue de main de maître dans une sorte de jeu d’équilibre, comme dans une partie de billard à trois bandes entre toutes les forces en présence, Pissing in a River donne immédiatement le ton. Un joli saut de l’Ange exécuté sans filets, salué par un tonnerre d’applaudissements.
Rompu à ce genre de challenge et libéré de l’incertitude d’une première à hauts risques, Zombie Zombie continue ainsi à avancer ses pions jusqu’à clore un set en sept actes, sept circonvolutions autour d’un axe psychédélique et électronique que le chœur est venu rehausser d’une touche de fausse innocence. Le public, visiblement pas toujours au fait de l’œuvre du trio, n’en a pas moins manifesté son plaisir de retrouver ainsi réunis dans une église trois zombies et une chorale d’enfants.
La setlist du concert
Le Final
Pissing in a River
Étrange balade en forêt
Matching Numbers
Black Paradise
Free Money
Rocket Number 9