Regard d’acier, d’acier fragile où se reflètent ombrages et lumières sans disgrâces. Dans l’iris, l’éclat morne d’une vie trop courte ; on en demande toujours trop au regard. Souvent porteur d’une interaction vive, le regard est un témoin du secret. Le regard de Pascale Ogier que l’on fixe sur la couverture de ce beau livre est orné d’une patine d’or sur fond noir. Dorures d’une icône et arrière-plan étalé de sombre pour signifier une noirceur digne et une tristesse d’absolu. Style prononcé d’une époque où les colonnes antiques venaient se fendre sous des néons criards ; entre les rires et les excès, les maladies ne s’annonçaient pas et emportaient les jeunes gens, durement. Le romantisme se cajolait de nappes synthétiques. Elli et son menton anguleux de porcelaine ondulait sa grâce entre les mélodies glacées d’un Jacno, fringuant de son allure aristocrate et décatie. Imparable jeunesse burinée de beautés sans crevasses, et juste cernées comme il faut.
Ce livre est un adieu ; comment tracer pareil dernier mot ? En épuisant le souvenir. La répétition, tragique, des objets du souvenir donne à cet album d’Emeraude Nicolas, les contours d’un vertige. Au fil de la lecture, les cimes ont les auréoles jaunies des cartes postales retrouvées. Ici et là, viennent de petits portraits d’enfance dessinés généreusement. Sous la frange de Pascale Ogier scintillent mille étoiles inquiètes. Les photos d’enfance ne s’alourdissent pas du noir et blanc – tout semble léger. L’alignement des objets adorés et tranchants bouleverse ; les lames et les shurikens tremblent comme de minuscules larmes lorsque l’on tourne la page. S’enchaîne alors, ce collier de perles au blanc confus, placé comme la courte ligne droite d’une vie éphémère – tout impressionne. Et puis s’ajoute, l’effusion pastel des Polaroïds où l’on voit Pascale ensevelie sous l’apparat d’une religieuse… quelle grâce terrible.
Les témoignages écrits sortent, presque ensorcelants, d’une lagune bouffée d’émotions diverses. L’anglais plombé de mélancolie de Jim Jarmusch contourne l’obstacle du souvenir ; sa pudeur, sèche, caresse avec délicatesse les traits d’une femme disparue. Jarmusch ne veut pas voir la porcelaine se solidifier en marbre. Il balbutie une fragilité, une empreinte. Court texte paraissant intense comme des traces de pas dans le sable ne s’effaçant pas malgré le labeur incessant de l’océan : « I don’t want to write about Pascale. I don’t accept her absence. I want to hear her laugh, to see her eyes flash. I want to watch her cross the room. I want her to take me to the cinema, late at night, to see a film by Mizoguchi or maybe Imamura. »
L’adieu avorté de Pacadis fume, encore, comme une comète avachie par ses nuits blanches : « On se souviendra toujours de ses grands yeux tristes, de son corps fragile, de sa voix fluette et malade qui lui donnaient tant de charme. »
On chercherait, en vain, la fuite d’un autre charme. Celui, obsédant, d’une mère énigmatique et minérale – Bulle. En quelques phrases, elle affronte une vieille lune, la liberté. Constat bref, taciturne. Rien à dire de plus : «Pascale avait une vie secrète, ma mère avait une vie secrète (…) Je n’osais pas l’embêter en lui posant des questions sur sa vie personnelle. On sortait de mai 1968, il fallait laisser faire les enfants, ne pas rentrer dans leur vie, qu’ils prennent leurs responsabilités, qu’ils trouvent leurs écoles eux-mêmes, etc. Il y a eu beaucoup de dégâts. »
On lit, par ailleurs, sous une écriture ronde et tracée au feutre rouge, la comptabilité rafraîchissante de cette jeune fille. Elle notait, ainsi, son nombre de disques. Les Stones, Bowie et Neil Young y font bonne figure comme on dit.
On est saisi de voir ce profil rond de pêche, couleur rose-thé, se durcir et se fendiller en un ivoire contrarié. Les drogues dérobent la voix d’un visage. Pascale, héron aux plumes noires et incertaines, s’est fondue dans la grimace sourde d’un automne. Les portes se referment parfois violemment. Emeraude Nicolas nous offre une clé merveilleuse pour ouvrir, une dernière fois, cette porte. Ce qui file la serrure s’appelle ici – la délicatesse.
en lisant ce magnifique article, des images me reviennent de cette drôle de fille
avec sa drôle de voix
le tout formant pour l’ado que j’etais un espece de cocktail explosif
c’etait sur antenne 2 un dimanche soir
les nuits de la pleine lune
J’ai bien connu Gilles dans les années 50 à saint jean de monts avant la naissance de pascale à l’époque jean Claude Albert Weil sortait avec Françoise la sœur de Gilles, puis en 1964 nous nous sommes revus à notre dame de monts avec jean Claude etNino Ferrer et nous avons passé la nuit à écouter de la musique tout en égrenant nos souvenirs d’adolescents . Je suis désolé d’apprendre que Gilles nous a quitté et je transmet à Aurore toute mon affection pierre Pommier. Pas vous ressemblez toutes les deux à gilles
J’aimerai avoir l’adresse mail d’Aurore Nicolas pour lui dire tout le bien. Que je pense de son père qui était un ami de jeunesse, car au mois d’avril 21 j’avais laissé un témoignage amical malheureusement reste sans réponse à ce jour
Il s’agit bien d’Emeraude Nicolas et non pas d’Aurore avec toutes mes excuses pour cette erreur de prenom