Il faut faire retour sur le tournant de la séquence fin 90 / début 2000 : une certaine musique électronique est à son apogée, le minimalisme numérique et l’austérité micro-house constituant en effet les principales caractéristiques des courants post-rave (IDM, Laptop Music, Exterme Computer Music, etc.). Des labels comme Mille Plateaux ou Mego dessinent les contours d’une scène qui se sera imposée comme le chaînon manquant entre les expérimentations pionnières électro-acoustiques des années 50 et 60 et le brutalisme hardcore / industriel issue de la scène techno.

Un territoire que Ilpo Väisänen aura sillonné avec constance et radicalité. Tout d’abord avec le duo Pan Sonic, emblématique d’une esthétique bruitiste et ascétique qui aura marqué la scène expérimentale et les dancefloor hétérodoxes internationaux – des disques aussi importants que Vakio ou Kesto en témoignent, tout comme le catalogue de l’immense label, co-fondé par Mika Vainio, Sähkö. Dans un reportage pour la BBC (Modern Minimalists), Björk rencontre l’un des membres du duo et l’observe travailler avec un matériel analogique, relevant d’une discipline low-tech qui confine au formalisme. Pour une pratique sonore volontairement réductionniste, que l’on peut retrouver dans sa version laptop du côté de Oval, de Taylor Dupree, du label Raster-Noton ou encore du dub abstrait de Pole. Ce goût pour la sécheresse et le conceptualisme constitue assurément l’un des leitmotivs d’une séquence qui aura assumé un pas de côté par rapport au fonctionnalisme festif de la scène techno.
Mais c’est aussi avec son œuvre solo qu’il a pu creuser un sillon tout aussi marquant. Avec Asuma notamment, disque paru en 2001 et réédité aujourd’hui par le label Editions Mego, qui est une pièce maîtresse du genre : travail sur l’arythmie à base de boîtes à rythmes distordues et buggées (Jaettu), sur l’épaisseurs et des timbres (Tukahduttaj), maitrise des fragmentations texturées et granulations numériques (Klikki). Le mastering de Rashad Becker y est aussi pour beaucoup, tant il permet de réinscrire Asuma au sein d’une scène précisément déterminée.
Aussi on se prend à envisager un autre type d’écoute. Qui se tiendrait à l’écart du confort domestique et de sa dissolution au sein d’une esthétique des ambiances et du bruit de fond. L’ambient que Ilpo Väisänen s’applique à élaborer relève au contraire d’une logique de l’accident, du bug et du glitch. Une esthétique caractéristique de musiques pour lesquelles l’écoute serait porteuse d’une utopie, une écoute perturbée et en capacité d’accueillir le dysfonctionnel et l’écart. Un anti-ambient, en quelque sorte.