In Threes est un de ces disques trop rares qui vous cueillent sans prévenir, au moment où l’on s’y attend le moins. Pas besoin de quelconque préambule, introduction, note d’intention, ni même d’une première écoute attentive. Ça tombe bien : on ne sait rien ou presque sur ces jeunes gens de Handle qui sortent de nulle part. On nous souffle seulement que l’un des membres a été élève dans le bahut de Martin Moscrop, ce qui n’est pas anodin mais n’explique pas entièrement l’affaire.
Les présentations, qui ont à la fois le goût de l’inédit et de la retrouvaille, se font en quelques secondes le temps d’une ligne de basse et de quelques gémissements syncopés sur le tube Punctured Time. Curieusement, on ne pense pas tant que cela à A Certain Ratio, ni à Factory Records à l’écoute du premier album des mancuniens. On songe davantage aux lointains cousins de la No Wave et plus précisément encore à sa riche descendence oubliée qui vit le jour au début des années 2000. D’ailleurs, qui se souvient d’Ex Models, d’Arab On Radar et de The Chinese Stars (il faudra un jour revenir sur la fantastique histoire du label Skin Graft), d’Erase Errata, des Georges Leningrad et de tant d’autres groupes nerveux et dansants éclipsés par le premier album de Liars et qui donnaient, comme par réflexe, l’irrésistible envie de hurler tout en se jetant contre des murs capitonnés ? Cette même énergie qu’on croyait disparue réapparait comme par magie quinze ans plus tard sur le premier disque de ce trio brut dans l’art comme dans la formule. En à peine 25 minutes, avec comme seule ossature un clavier, une basse et une batterie (et quelle batterie !), Handle invente peu de chose – à peine ajoute-t-il une délicieuse couche sur un mille-feuille névrotique -, mais enchaine sans temps mort les tubes avec une urgence revigorante. A écouter de préférence plus fort que de coutume et/ou en live, SVP.