En dépit de quelques beaux exemples, le succès d’Ariel Pink ne profite guère à ses vieux amis. Ces jours-ci, Julia Holter et John Maus font figure d’exception après quelques années d’indifférence – on ne cessera de rire en songeant à l’accueil de Songs en 2006 par les médias qui l’encensent aujourd’hui. Et pourtant, entre Norah Keyes (The Centimeters, Rococo Jet), Robert Robinson (Sore Eros), Matt Fischbeck (Holy Shit), Geneva Garvin (Geneva Jacuzzi), le loufoque Harry Merry et Greg Dalton (Gary War), le talent ne manque pas…
Pour faire imagé, Gary War est une sorte de version postmoderne de Syd Barrett qui chanterait dans les vagues d’un océan d’éther. Depuis plus de 10 ans, en solo sous le nom de Gary War, ou plus récemment en duo avec Robert Thomas (Sunburned Hand Of The Man) derrière celui de Dalthom (sublime Frame Slip paru en 2016), Greg Dalton est l’un des rares musiciens contemporains à avoir véritablement inventé un style et une façon de produire reconnaissables entre mille. Sur l’excellent Horrible Parades (2009), on pouvait imaginer les mélodies de 10 000 Hz Legend (Air, 2001) noyées dans un bouillon de Zen Arcade (Husker Dü, 1984) et d’electronica S.F. : en tous points, une ravissante hérésie. Après l’écueil de l’indigeste Jared’s Lot en 2012, la relative déception du trop court album partagé avec Purple Pilgrims en 2013 et un grand voyage qui l’a mené en Nouvelle-Zélande et en Asie, l’Américain semble avoir mûri son projet. Avec Gaz Forth, Dalton tire le meilleur de ses expérimentations en apesanteur qu’il marie à des chansons pop évoquant les débuts de Creation Records (Inna Witness, NSFL, Home Address). Autre nouveauté pour cet obsédé du travail en solitaire, Gary War a ici profité de l’aide d’un groupe et d’une vraie batterie. Cela a probablement contribué à tempérer ses ardeurs. On songe parfois à Harmonia, à Moroder, à Heldon, au copain John Maus ou aux Byrds, et on se dit qu’en space rock comme en western, le plan large est toujours le bienvenu. Nerveux et planant, Gaz Forth est une réussite qui laisse espérer le meilleur de Voizes & Ragui, le prochain disque de Dalthom pévu pour cette année. Même si la voix risque de ne pas porter au-delà du désert galactique où erre Dalton, il est important de le dire : il y a toujours plus d’idées dans trente secondes d’une chanson de Gary War que dans la totalité des disques issus du revival rock psychédélique prétendument influencé par Spacemen 3.