
Ça a commencé avec elle, Messy et son refrain qui m’est rentré, ou plutôt qui s’est installé, dans ma tête, et ces mots simples que je ne pouvais pas oublier – ”Cause I’m too messy, And I’m too fucking clean » – ces mots qui cachaient une certaine mélancolie. Mais il n’y avait pas que ça. Il y avait ce truc là, dans sa voix, très anglais, très pop-ulaire, une manière de chanter qui ne s’apprend que devant le miroir de sa vie . Et puis, il y a eu les autres Messy – stripped, live, sped up – qui ont fini de me rendre fou, ainsi que mon entourage – « T’as quel âge pour écouter ça ? » -. Mais alors pourquoi ai-je tant attendu avant d’écouter l’album This Wasn’t Meant for You Anyway ? Parce que je savais, par expérience – vous savez, cette saleté qui vous ôte toute insouciance – qu’il y aurait Messy et puis qu’il y aurait les autres et que les autres, je les négligerai. Mais, et ce n’est pas la première fois, je me suis bien trompé. J’aurai du, ce que je ne fais plus ou alors très rarement, prendre le temps de regarder la liste des titres – Walk on by, Wish you were dead, Fuck, Intrusive thoughts, Big Brown Eyes – pour m’apercevoir – parce qu’il faut chercher les signes dans les titres, toujours -, que Lola Young n’était pas une chanteuse comme les autres. Ses chansons, après plusieurs écoutes, ne sonnent effectivement pas comme les autres. Dix titres, à écouter ensemble ou séparément, avec des petites touches de reggae ici et là, quelques guitares saturées histoire de, pleins de petits délices sonores cachées, de très beaux morceaux acoustiques – Intrusive thoughts, You noticed -, l’impression aussi d’entendre sur les chœurs de Big Brown Eyes le meilleur des Spice Girls – Wannabe -. Tout est mélangé avec talent – les genres, les époques – sans que tout cela soit indigeste. Oui, elle n’invente rien mais on a le droit de ne rien inventer si on est sensible, comme elle, à la vie qui s’offre, à la vie qui se dérobe. This Wasn’t Meant for You Anyway c’est dix chansons plus une qui s’appelle Outro. 1 mn 13 où Lola Young, d’une voix posée, se raconte et se demande, dès les premières secondes, ce que c’est de s’aimer soi-même. Elle n’a jamais su. Elle ne le sait toujours pas. Peut-être un jour qui sait. Elle n’est pas la seule. S’aimer soi-même, c’est une question que je ne m’étais jamais posée. Je suis d’une génération où les chansons nous ont plus appris à nous détester qu’à nous aimer, happy to be sad sur le revers de nos vestes et textes de chansons dans la tête comme autant de – fausses ? – vérités. S’accrocher, se raccrocher à ce que l’on peut. Pour elle, ça a été, comme elle le dit, ces citations cueillies sur les réseaux sociaux, pour moi, les chansons, les livres, les films, tout ça qui a agi comme autant de leçons de vie, leçons qui nous ont aidés à avancer – parfois en titubant – mais pas que. Pour Lola Young, la musique, c’est pour enfin s’aimer. Tout simplement. Pas pour aimer l’autre, ni le détester d’ailleurs – ce disque n’est pas pour eux – non, c’est pour s’aimer soi-même. Elle le dit avec une pudeur telle qu’après ces confidences, les chansons prennent alors une autre teinte, deviennent plus mélancoliques, me regardent dans les yeux s’enfoncent dans mon cœur et me font enfin, comprendre. Comprendre qui j’étais, ce que je ne serai jamais, ce que j’ai bien entendu loupé et ce que j’ai enfin réussi : à ne plus me détester et même si je sais que de l’adolescence on ne s’en remet jamais tout à fait, j’aimerai lui dire à Lola Young, qu’un jour, j’espère, elle pourra, comme elle le dit, s’aimer soi-même. En attendant, il y a ces chansons pleines de vie et n’est-ce pas là ce qui manque cruellement à notre époque ?