Penser qu’un énième album de Eels pourrait en 2018 créer l’événement est évidemment ridicule. Le californien a certes son lot d’aficionados qui suivent sa carrière avec fidélité, mais a depuis sa triplette magique (Beautiful Freak, Electro-Shock Blues et Daisy Of The Galaxies) trop brouillé les (fausses) pistes pour encore parvenir à surprendre. Qu’importe, Mark Oliver Everett ne semble aujourd’hui ne sortir des disques que par plaisir ou besoin. Peut être parce que c’est ce qu’il sait faire de mieux, préférant dorénavant creuser le sillon de genres qu’il maitrise à merveille que s’aventurer sur des pistes inconnues.
Ruminant encore et toujours avec cette ingénuité plus ou moins chargée d’espoir et d’humour (souvent noir), les mêmes thèmes : la mort, la solitude ou la perte de l’innocence; autant de sujets reflets d’une histoire personnelle tragique et parsemée de morts prématurées, le suicide de sa sœur, la disparition à la même époque de ses parents ou encore celle d’une cousine dans l’un des avions des attentats du 11 septembre 2001. Plus d’un ne s’en serait pas relevé. Lui nourrit, sans jamais être plombant, sa musique de ses démons depuis maintenant plus de 25 ans. Dans la lignée des compositions des deux excellents LPs de ce début de décennie, End Time et Tomorrow Morning en 2010, The Deconstruction pioche avec plus que moins de bonheur dans le répertoire stylistique du barbu. Les amoureux des débuts apprécieront les balades bidouillées et lumineuses que sont Rusty Pipes et The Deconstruction (le titre). Premonition et There I Said It nous rappellent que le garçon n’est jamais aussi émouvant que lorsqu’il vient chialer sur notre épaule dans le plus simple appareil, Today Is The Day est la parfaite pop-song faussement débile mais vraiment accrocheuse et, seule fausse note, You Are The Shining Light montre notre homme encore une fois incapable de lâcher la bride pour faire du rock’n’roll. Hormis peut être l’étrange sunshine-pop sous sédatifs de The Unanswerable, The Deconstruction n’apportera pas grand-chose de neuf à l’aura de l’américain, juste une belle pierre supplémentaire à une œuvre dont on ne pensait pas qu’elle perdurerait à ce niveau si longtemps.