Tout comme Davy Henderson, c’est à Édimbourg que Paul Haig passe à l’acte pour assouvir ses ambitions musicales à la fin des années 1970. À cette époque, en Écosse, presque tous les adolescents préfèrent la scène punk d’outre-Atlantique (Talking Heads en tête) et vénèrent le Velvet Underground. Le groupe que le jeune Haig forme avec son comparse guitariste Malcolm Ross n’échappe pas à la règle. Juste avant de sortir un premier single (Chance Meeting sur le label Absolute) en novembre 1979, TV Art se métamorphose en Josef K, d’après le nom de l’anti-héros du roman de Franz Kafka, Le Procès. Quelques mois plus tard, le quatuor rejoint Postcard Records, mythique structure basée à Glasgow imaginée par le théoricien pop Alan Horne. En costumes étriqués, Josef K invente le disco-punk, un funk blanc sec et minimaliste qui marie pour l’éternité les adjectifs “dépressif” et “jouissif”. Haig pose sa voix de crooner désabusé sur des chansons qui mènent la danse (Heart Of Song, 1981) ou se baladent avec une fausse désinvolture (It’s Kinda Funny en 1980, inspiré par la fin tragique de Ian Curtis).
Après quatre autres 45 tours, le groupe jette à la poubelle un premier album, Sorry For Laughing, pour cause de production trop policée, avant de sortir The Only Fun In Town en juillet 1981. Mais un mois plus tard, miné par l’absence de succès public malgré des critiques dithyrambiques, Josef K se suicide après un dernier concert à Glasgow. Alors que Ross rejoint Orange Juice, Paul Haig s’invente un futur en solitaire. Tiraillé entre ambitions commerciales et intransigeance artistique, il emprunte la voie d’une pop électronique sur laquelle il croise entre autres Alan Rankine des Associates, Cabaret Voltaire ou encore Bernard Sumner de New Order et Donald Johnson d’A Certain Ratio, qui produisent un hymne pour dancefloor futuriste, The Only Truth (1984). Mais que ce soit sur les très chics Disques Du Crépuscule de Bruxelles ou un sous-label de Virgin (Circa), l’homme, toujours chéri par la presse spécialisée, ne rencontre pas le succès escompté, malgré des reprises stylées (Running Away de Sly Stone, 1982, Ghostrider de Suicide, 1984) ou des originaux aux allures de classiques instantanés (Something Good, 1989, I Believe In You, 1990).
Alors, il finit par tirer sa révérence pour traverser incognito les années 1990. Mais avec le succès de Franz Ferdinand – enfant illégitime de cette scène post-punk écossaise – et à l’aune du nouvel intérêt suscité par la carrière météorique de Josef K, Paul Haig finit par sortir de sa « retraite » et publie depuis, sur son label Rhythm Of Life, des albums de (très) bonne tenue, insatiables ambassadeurs d’une electropop à l’élégance raffinée.