Climats #7 : Branko Mataja, Nicolas Bouvier, eiafuawn

This could be the saddest dusk ever seen
You turn to a miracle high-alive
Michael Stipe

Peut-on écouter Vauxhall and I de Morrissey sous le franc soleil de juillet ? Et un Antônio Carlos Jobim empêtré dans un crachin de février, c’est toujours du Antônio Carlos Jobim ? Climats met en avant les sorties disques et livres selon la météo. Pour Fabienne.

La rosée attendue

C’est une petite musique qui arrive lentement, elle s’accroche aux souvenirs. Musique d’un homme traversé par les tragédies, les deuils et les effacements. Car dans les notes de Branko Mataja, il y a ce souci de rétablir les voix mortes, les regards disparus. Mataja a connu la soldatesque nazie, les ombres armées qui l’ont séparé définitivement de sa famille. Il a dû travailler dur pour eux, prisonnier de ses ennemis. Après sa libération, quelque part en Angleterre, il fabriquera une guitare qui l’accompagnera le reste de sa vie. Il faut alors écouter cette relation de lumière, d’éléments contrastés qui le lient à son instrument. La bande son d’une terre perdue, de rues admirées et définitivement détruites, de la maison familiale en cendres. C’est ce raconte Sero Sam Te, c’est ce que ces notes charrient dans un mouvement serpentin bouleversant. Voilà une petite musique qui me fait penser à ce soir, où dans un bar, je regardais cette jeune femme qui balançait son pied dans une ballerine. Cette petite danse secrète, je me mis à la dessiner sur un sous-bock. Des années plus tard, cette jeune femme, qui allait devenir la femme de ma vie, ressortit ce dessin. Elle l’avait conservé, précieusement. Oui, les notes de Mataja conservent elles aussi, un feu – un amour. Malgré tout.

La neige est derrière nous

Quand les nouvelles ne sont pas bonnes, il y a des lectures qui reviennent au galop. Presque furieuses, presque empreintes de trop de vie et de mots à dire – encore et encore. Et puis, on pense à tous ces lieux disparus, ces chemins ne menant plus à la destination. Il faut relire L’Usage du Monde de Nicolas Bouvier. Le texte perdu et réécrit. l’Afghanistan, les Balkans, l’Iran, ces pays que l’on ne peut plus qu’imaginer. Bouvier parle majestueusement de la musique également, cette musique d’Europe Centrale, qui fusionne la joie dans la douleur. Récit d’une ivresse, d’un contemplatif égaré entre mille beautés. Après m’être longtemps égaré moi aussi, j’ai suivi son exemple. Il faut toujours revenir vers les endroits qui ont révélé la puissance d’un amour. C’est ce que je me dis, chaque jour, sur mon scooter merdique lorsque je longe la baie. En pensant à toi, Fabienne.

L’incendie hivernal

Ma meilleure amie m’envoie des cartes postales. Dernièrement, c’était des pancartes avec écrit : Sasso. Pas un mot, juste ça. Comme un signe. Heureuse amie qui se trouve en Italie. Il n’y a pas longtemps, j’ai réécouté le premier album – magique – de Pinback. Elle me l’avait fait découvrir, comme ça, comme une suggestion importante. Je repense à cette période en découvrant une merveille. La musique est une surprise indémodable. Derrière un nom mystérieux, eiafuawn, qui veut dire : Everything Is All Fucked Up And What Not, se cache une moitié de DusterClay Parton. Enregistré en solo, à la maison, les vignettes de Parton racontent le monde qui se dresse devant lui. Celui de l’après 11 septembre. J’entends dans ces compositions le bricolage splendide de Pinback et j’envoie à mon tour cette carte postale à mon amie. Cela s’appelle Birds in the ground (2006) et c’est ce que le rock indé a donné de plus réjouissant depuis bien longtemps.


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