La musique, ce sont aussi des mots. Des mots dans les chansons, des mots qui marquent, frappent l’imaginaire, font sourire, réfléchir, se dire plein de choses – parfois un peu extravagantes, du genre “Cette chanson a été écrite pour moi”. Parmi ces mots, il y aurait au hasard et dans le désordre “First a kiss / then a fall”, “Some are for remembering / some are for forgetting / Either way it’s gone”, “Don’t believe what you’ve heard,‘Faithful’’s not a bad word”, “The dream had to end / The wish never came true…” ; il y aurait aussi “And when the darkness came / I made a pledge to stay”…
Je me suis toujours demandé s’il y aurait une suite. Une suite à cet album unique qui existe juste à quelques centaines d’exemplaires – mais dans beaucoup de cœurs. Avec son titre devenu comme prophétique suite aux événements surréalistes qui ont suivi sa parution en février 2020, Grande Est La Maison fait partie pour toutes celles et ceux qui ont eu la chance de l’écouter de ces disques dits refuge, ces disques qui accompagnent à la perfection ces moments où le spleen est un peu moins idéal – et à cette époque-là, ça relevait pour certains de l’euphémisme… Je me suis également demandé si l’homme qui a imaginé ce disque s’est lui aussi demandé s’il lui donnerait une suite. Thomas Jean Henri pour l’état artistique – ou Thomas Van Cotten pour l’état civil – est de ceux, je crois, qui ne prennent pas de décisions à la légère.
Il y a quelques jours, il a levé le voile sur cet avenir incertain en annonçant un rituel qu’il affectionne, l’organisation de quelques séances d’écoute, d’abord dans sa ville de Bruxelles (déjà complète), puis à Volvic, le samedi 13 mai ; Rennes suivra, le 10 juin – autant de rendez-vous qui donneront naissance à un nouveau documentaire. Hier, il a levé un voile sur ce qui nous attend. Ce qui nous attend ? Un univers familier. Mais différent. Une Cabane où les pièces seraient les mêmes que la précédente, mais avec un nouveau mobilier, une nouvelle décoration. Des changements par touches au lieu d’un grand chamboulement – visiblement, les grands chamboulements, Thomas Jean Henri les vit en privé –, des changements dont on se dit peut-être que certaines des versions de ses chansons enregistrées par des artistes amis et regroupées sur le très beau disque The Remakes Series ne sont pas étrangères.
Ni hier, ni demain. Today, donc. Une chanson avec des amis déjà croisés par ici – Sam Genders de Tuung qui prête sa voix chaude et douce, Laura Etchegoyen aux chœurs, avec Blumi et Theodora de Lilez ; Sean O’Hagan, aux arrangements de cordes – auxquels participe aussi le principal intéressé. Une chanson qui commence là où on avait laissé ses grandes sœurs – ces chœurs qui enveloppent, un piano un peu distant, des mots offerts par une voix qui se veut rassurante, caressante. Une chanson qui prend les allures d’une odyssée haïku, où une rythmique comme au ralenti rappelle les battements d’un cœur qui vacille, où les cordes résonnent comme l’espoir d’une issue heureuse. Ou d’un recommencement. Une chanson de saison – les pépiements d’oiseaux qui semblent sourire juste avant le final –, ou plutôt une chanson de saisons, comme celles que Thomas a photographiées pendant un an depuis un toit bruxellois. Une chanson qui bouleverse, une chanson qui, comme quelques autres, fait que le temps se fige. Une chanson pas comme les autres. Une chanson déjà amie.
Today est donc le premier signe-avant coureur du deuxième album de Cabane. Un deuxième album dont l’architecte en chef se demande encore aujourd’hui sous quelle(s) forme(s) exacte(s) il sortira. Un deuxième album dont le titre a quelque chose de définitif, Brûlée. Brûlée, comme pour faire table rase du passé ? Brulée, comme cette vie qui ne fait pas que des cadeaux ? Ou Brûlée, comme cette envie d’“être enflammé d’un sentiment très vif, du désir de faire quelque chose” ? Brûlée : à ce jour, un obscur objet du désir. Mais dont on devine déjà qu’il laissera passer la lumière. Ici. Et ailleurs.
Le single Today par Cabane sort aujourd’hui.