Comment défendre les trois d’Hoboken face à ceux et celles qui les considèreraient comme le groupe le plus ennuyeux au monde ? Derrière cet intitulé volontairement barbare se cache pourtant un forme de reproche qui ne sera pas loin de dicter notre rapport à Yo La Tengo, groupe intime devenu d’une taille institutionnelle respectable et dont les nuances s’établissent depuis 1986 sur un non plan de carrière qui, si on l’observe sur le long terme, ne peut que forcer le respect. Et l’une des qualités de ces gens est précisément de n’être que réconfortants. Ce qui n’est à proprement parler, jamais chiant. Juste, en s’immisçant dans les interstices de notre besoin de consolation, le groupe arrive généralement à diffuser une sorte de vague tristesse combative sans vraiment s’y confiner, en laissant toujours la porte ouverte. À l’empathie, au combat, à une exaltation en demi-teinte, même.
There’s A Riot Going On, titre politique et référent (Sly Stone vs Donald Trump ?) n’en demeure pas moins une surprise, comme si Georgia Hubley, Ira Kaplan et James Mc New se laissaient enfin aller à une mélancolie plus revendiquée, leur album ambient goth, en somme. Et comme le long terme n’est effectivement pas toujours significatif de passion brûlante, on se souviendra dans les remous récents de l’excellence de Fade (2013), dont le morceau d’ouverture, Ohm fait désormais office de pressentiment, puis de programme commun sur l’état de l’union et ici même, tu penses bien, encore plus :
Sometimes the bad guys go right on top,
Sometimes the good guys lose
We try not to lose our hearts
Not to lose our minds
L’annonce d’un retour aux principes acoustiques du mythique Fakebook (1990) pour Stuff Like That Here (2015) était réjouissant, sur le papier. Le disque, malgré ses reprises de choix (The Cure, Hank Williams), fut pourtant rapidement oublié. Mais on ne citera pas donc, et ce des deux côtés, le nom de Cure au hasard. Puisque There’s A Riot Going On diffuse de toute évidence le même parfum hivernal que Seventeen Seconds ou Faith, les simagrées adolescentes en moins, la pleine conscience en plus (You Are Here). Comme si Brian Eno, par manque de curiosité, était resté en terres anglicanes pour produire le trio de Crawley (j’aimerais que cette possibilité ait été un jour évoquée…) plutôt que d’aller faire ses petites affaires avec la No Wave et Talking Heads.
S’il est une autre référence à souligner ici c’est bien le somptueux Evening Star enregistré avec Robert Fripp en 1975 (Shortwave). Un titre résume bien l’affaire, Above The Sound, au-dessus du son, où le groupe, avec une liberté sans pareille, mêle un peu tout sans fanfaronner et sonne comme Bark Psychosis ou Talk Talk, intuition confirmée par Out Of The Pool, où le bruit revient enfin. Cette ascèse est mise à mal par l’interlude Esportes Casual, pas loin de Charly Oleg, comme quoi il ne faut jamais s’autoriser trop de profondeur, qu’il est fondamental que la musique reste aussi une respiration. Si l’album contient encore quelques morceaux traditionnels (Shades Of Blue, For You Too) il n’en paraît pas moins comme un pas en avant feutré, malgré les intempéries et d’autant plus important. Le fait qu’il sorte aujourd’hui nous honore d’autant plus.
Très chouette chronique pour encore un bien beau disque de la part du trio d’Hoboken.
Un trio d’Hadoken à Street Fighter ça fait mal !
Le titre de l’album est le contraire de ce qui s’y passe ! J’aime beaucoup YO LA TENGO mais là, ils se moquent du monde ! Des morceaux bancales pour la plupart ou remplis de vide pour les autres, on est loin d’une émeute !
Quelle honte…
Le commentaire ci-dessus j’entends.