On l’avait presque oublié. Et voilà que Sam Mehran se rappelle à notre bon souvenir en assistant Matt Mondanile sur le récent album de Ducktails, The Flower Lane (2013). Mehran, ce héros éphémère et bordélique qui partageait la vedette avec Devonté Hynes (Lightspeed Champion, Blood Orange) dans Test Icicles, mérite lui aussi d’être connu, mais pour d’autres raisons. Grand amateur de James Ferraro et d’Ariel Pink, le jeune cosmopolite fait partie de cette caste de musiciens qui a été marquée de manière indélébile par The Doldrums (2004), le chef-d’œuvre inégalé du petit génie californien suscité Ariel Pink. En 2010, lorsqu’on avait fait une dixième fois le tour de la discographie de James Ferraro, on allait forcément jeter une oreille attentive aux albums de Matrix Metals, Flashback Repository, Explorers et Wingdings (quelques-uns des projets expérimentaux de Sam Mehran), et lorsque les sillons des disques d’Ariel Pink’s Haunted Graffiti étaient usés à leur tour, la brève discographie de l’autre « groupe » de Sam Mehran (Outer Limits Recordings) et du duo The Sweethearts (où notre trublion associe son talent à celui de Raw Thrills) s’imposait naturellement.
C’est sur les trois EP d’Outer Limits Recordings (I Need My T.V., Julie et $20 Bill/Silhouette) compilés ici (avec quelques raretés ajoutées) que celui qui officie également sous le pseudonyme de Sam Meringue a donné le meilleur de son sens mélodique et de sa production lo-fi. Comme d’habitude, il est difficile de trouver une véritable cohérence dans ce recueil de pop assumée et expérimentale. Outer Limits Recordings applique la méthode Ariel Pink (de l’ouverture à la conclusion) en faisant du R. Stevie Moore (la ressemblance tourne à l’exercice de style sur Silhouette), de la minimal wave (Mind Kontrol (Ultra)), de la pop 80’s (The Cars, Madonna), des génériques de dessins animés (Plastik Child) ou des ballades extraterrestres (WOTM). Et puisque ces vingt-trois titres sont enregistrés en chambre dans le raffinement total de la saleté et de la lo-fi, les précieux pesteront immanquablement contre de telles “horreurs sonores” tandis que de nombreux fans d’Ariel Pink – ne voyant pas le style au-delà du genre – crieront une nouvelle fois au plagiat. Peu importe. En se plongeant dans ses chansons oniriques, on (re)prend conscience de l’intelligence loufoque de la musique de Sam Mehran, lui qui semble éternellement condamné à ce genre de méprises.