Toujours là, toujours là-bas (au bout de la ligne 9, arrêt Marcel Sembat), toujours vivant, toujours vital. On ne saurait mieux résumer l’exigence sans faille du BBMix festival protéiforme pour lequel notre attachement de cœur reste absolu depuis maintenant quatorze ans. Si l’ouverture ce vendredi soir proposera une soirée essentielle autour du label Saravah avec des rencontres scéniques attendues entre le vétéran Areski et une certaine frange débraillée (Borja Flames, ARLT, The Recyclers) des musiques franches d’ici, et que le dimanche soir promet son lot de frissons dystopiques avec entre autres Evan Crackshaw & The Dead Mauriacs, c’est sur l’impeccable buffet chaud-froid du samedi que nous allons arrêter notre attention, si vous le voulez bien. Quels deux plus grands opposés pouvait-on proposer, entre les tueurs à sang chaud Endless Boogie et les espions venus du froid Pan•American ? Cette affiche bien innervée résume à elle seule, le sautillement qui nous étreint à nous rendre, malgré les frimas, dans l’antre cosy du BB Mix. Et ce, depuis toujours, un coup d’œil à l’historique de la programmation suffira à nous faire cligner le panonceau « meilleur concert de ma vie » à plusieurs reprises (The Raincoats, Swans, Young Marble Giants, pour n’en citer que trois).
Pan•American
On a d’abord connu Mark Nelson comme (non) chanteur de Labradford, perle animée au dessus du lot du tout venant aussi nommé Post-Rock. Alors que certains envisageaient déjà un avenir basé sur une fusion épuisante mais probante, ces trois garçons ne faisait que continuer avec un génie total la grande œuvre du silence envisagée par Brian Eno, Robert Wyatt, Martin Hannett ou encore Talk Talk. Comme une bruine de grésil sur les musiques savantes d’une Amérique fantasmée en ancienne république du bloc de l’Est. Et puisqu’il fallait bien aller de l’avant, dépasser ces somptueuses mélodies d’enterrement d’un millénaire à l’agonie, Mark Nelson prit la tangente sous l’appellation Pan•American, faisant fondre des pans entiers de glace avec l’injection de produits divers dont une bonne dose de Dub, dans son acception la plus recherchée, voire scientifique. Sept albums plus tard (le dernier en date, Cloud Room, Glass Room, est paru en 2013 chez Kranky), on ne sait toujours pas s’il faudra garder son cache-nez afin de s’en délecter.
Endless Boogie
En revanche, on sait que la température va monter d’un ou deux crans avec Paul Major et ses spadassins, dont la présence scénique n’est jamais anodine. Aussi rares que certifiés cultes jusqu’à un certain point, Endless Boogie a considérablement amélioré son champ d’action en devenant ces dernières années un point fixe et régulier sur les scènes hexagonales. Et si l’on a déjà été en présence de cette entité binaire divine au printemps dernier, on n’hésitera pas un instant à y revenir. Car chaque concert du groupe – même si l’on sait ce qu’on va y entendre The Stooges joués par le Velvet Underground, ou l’inverse, ça on ne le sait jamais d’avance – est unique dans son unicité, ses variations, sa liberté. Des copeaux de ZZ Top, de Creedence Clearwater Revival ou même de Neu ! font office d’échardes dans ce grand déluge électrique hors de tout contrôle. Une chose est sûre, en revanche : on en ressort toujours transfiguré, épuisé, plein de sueur et de reconnaissance.
Et en rajoutant à l’affiche Facs, nouvelle incarnation des trublions Disappears, on sait déjà que l’issue de la soirée tiendra autant de l’épuisement que de la jouissance cathartique totale.