Stranger Teens #34 / Guest : Adam Miller (ex-Chromatics)

Tout l’été, les morceaux qui ont sauvé notre adolescence.

Je me souviens de la première fois que j’ai vu Nirvana sur MTV. Ce jour-là, ma vie a changé pour toujours. Je venais d’entrer en 6e au collège Lyndale de Minneapolis, Minnesota. Smells Like Teen Spirit était le “Buzz Clip” de la chaine et le groupe était sur le point de se retrouver rotation lourde à peu près partout. Je venais de commencer la longue métamorphose qui mène à la condition d’ado mélancolique, j’étais donc prêt pour ça. Fin prêt.

Voir Nirvana sur la télé familiale a été une expérience complètement nouvelle et rafraichissante. Et elle est entrée en exacte collision avec cette confusion et cette indignation adolescentes naissantes. Nirvana m’a accompagné chaque jour. J’assistais en fait à ce que je pourrai peut-être devenir un jour, j’étais projeté dans un système solaire très lointain du nôtre. Je voulais que les gars de Nirvana m’emmènent avec eux sur leur planète où nous pourrions vandaliser les gymnases des lycées et tout autre institution croisée en chemin. À partir de cet instant-là, je n’ai plus appris que des chansons de Nirvana sur ma guitare et avec mes amis, nous les jouions de façon obsessionnelle dans les caves de nos parents. Une grande part de ce que je suis aujourd’hui, je le dois à Nirvana.

L’autre, jour, j’ai regardé à nouveau le documentaire sur la tournée Sonic Youth et Nirvana, 1991: The Year Punk Broke. Un de mes copains l’avait en VHS quand nous étions ados, mais je ne l’avais pas revu depuis une éternité. À cette époque de notre vie, nous le regardions ensemble en boucle, en prenant tout ce que nous pouvions y piocher. Après la mort de Kurt, et ce pendant des années, il m’a été douloureux d’écouter une chanson de Nirvana et de voir le groupe à la télé. J’avais l’impression de revenir à ces traumas ados qui n’ont jamais été résolus et à toutes sortes d’insécurités. Ce fut atroce de voir quelqu’un que j’admirais à ce point disparaitre. J’ai toujours eu l’image de Kurt comme une personne plus âgée et plus intelligente que moi, mais en regardant à nouveau 1991: The Year Punk Broke, pour la première fois de ma vie, j’ai vu Kurt plus jeune que je ne le suis aujourd’hui. Et j’ai vu un être humain blessé, vulnérable. Je sais que plus jeune, j’avais remarqué ça, mais de façon inconsciente , je ne l’avais pas perçu de façon si nette jusqu’à récemment. Je m’étais tellement projeté à travers lui, j’étais si lié à lui… Comme tous les grands artistes, juste en étant lui-même, Kurt nous a donné la possibilité d’être nous-mêmes…

J’ai eu la chance incroyable de voir un tas de concerts qui peuvent changer une vie tout au long de mon existence, mais le plus important pour moi restera toujours Nirvana, The Breeders et Shonen Knife à l’automne 1993, à l’Auditorium Saint Paul, MN. Avec ma propre musique, j’ai toujours essayé de laisser le public ressentir ce que j’avais ressenti ce soir-là. Inspiré, affranchi, métamorphosé.


Smells Like Teen Spirit de Nirvana est sorti le 10 septembre 1991 sur le label DGC / Sub Pop.
Fondateur et co-tête pensante des déjà regrettés Chromatics, le mélomane et francophile Adam Miller a réalisé en début d'année un très bel album solo instrumental, Gateway, sur lequel il se lie volontairement aux “… poètes impressionnistes de la six-cordes, The Durutti ColumnFelt à l’époque de Deebank ou les Cure du début”.


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