Collage sauvage et de mauvaise foi de l’actualité culturelle de la semaine
Hélène Frappat / Photo : Philippe Matsas
Comment ai-je connu Hélène Frappat ? Je n’arrive pas à m’en souvenir et lorsque je me rapproche de la vérité de cet instant, tout se tait – tout meurt à la lumière. Peut-être était-ce près de la Fonte Gaia, à Sienne ? Jour de pluie où le brun sale des façades me remplissait d’une immense mélancolie. Non, c’était une nuit. C’était, une nuit d’été à La Rochelle. Le parfum de la glycine, les murs blancs et les mots prononcés très bas. Je lisais Sous Réserve, petit livre violet que je trimballais dans ma poche. Je tombais amoureux d’une écriture. Continuer la lecture de « La Chanson d’Hélène – Hélène Frappat, Still Corners, Vittorio de Sica »
Sorti en fin d’année dernière, Magic Touch, le troisième album de Jack Name a surpris par sa simplicité et sa beauté. En produisant jusqu’alors des œuvres plus denses et complexes, Jack Name laissait moins transparaître sa personnalité. Avec cet album intimiste enregistré dans son appartement, il laisse entrer un peu de lumière, notamment grâce à un jeu de guitare plus subtil. Si Jack Name flirte parfois avec un rock plus classique, certaines influences se démarquent particulièrement. Celle de Serge Gainsbourg est sans doute la plus évidente, jusque dans son titre, sur I Came To Tell You (In Plain English) That I’m Leaving You. Composé sur plusieurs années, on jurerait pourtant que Magic Touch a été composé pendant le confinement tant l’album semble imprégné de solitude. La solitude ne rimant pas systématiquement avec la déprime, Magic Touch est à l’image de ce Selectorama, il alterne l’ombre et la lumière avec une classe incroyable. Continuer la lecture de « Selectorama : Jack Name »
Bobby Would, Vienne, 2020 / Photo : Félix Leblhuber
Robert Pawliczek, artiste talentueux multi-supports (arts plastiques, peinture, photographie, scuplture, installations) et musicien naviguant entre l’Autriche où il réside, et l’Allemagne où il participe à de nombreux projets musicaux variés (AUTOR, Heavy Metal, Schiach) revient avec son projet solo Bobby Would pour un deuxième album World Wide Worldà paraître chez Low Company le 29 janvier prochain. Après l’excellent et souterrain Baby sorti en 2018 et enregistré en groupe, on se souviendra aussi de leur date à la Pointe Lafayette avec Sex Sux et Jacques Grèle et les Fausses Fuites (Merci Nick), l’alter égo que Robert s’est construit pour déclarer son amour à la mélodie revient avec un album enregistré seul, que l’on pourrait assimiler à une longue balade, intégrant des éléments psychédéliques et mélodiques aux accents country, avec une voix au grain mystique qui plane au-dessus de l’ensemble. Essai transformé, donc. Sehr gut, Bobby !
Compte-rendu du documentaire sur l’affaire Ariel Pink lors de sa sortie en… 2022.
Un an après les événements du Capitole, peut-on vraiment dire que l’on connait désormais le fin mot de l’histoire ? Smoke and Mirrors (que l’on pourrait traduire par Le Miroir aux alouettes), le documentaire aux nombreux niveaux de lecture d’Alex Lee Moyer diffusé à partir de lundi 24 janvier 2022 sur Amazon Prime, s’avère être l’une des grandes mystifications postmodernes de la culture populaire, et soulève plus de questions qu’il n’apporte de réponses. C’est d’ailleurs là que réside sa principale qualité, au-delà de la duperie merveilleusement orchestrée à laquelle se sont livrés Ariel Rosenberg et John Maus que l’on suit pendant une année, depuis la mise en place du dispositif sous le regard de leur complice et amie réalisatrice Alex Lee Moyer.
Il y a plusieurs manières de raconter cette histoire. Différentes façons aussi de lire le titre de cette édition intégrale, publiée il y a quelques mois, d’une œuvre intermittente et méconnue, dont les fragments ont été dispersés sur trois décennies. La plus simple et la plus évidente consisterait à accentuer tout bonnement le possessif. MY Song. Comme s’il ne devait n’en rester qu’une seule, la plus connue, dont il s’agirait de revendiquer ici la paternité. Il est vrai qu’avant de plonger dans ces neuf albums et de s’abandonner au plaisir de la découverte, c’est à peu près la seule dont on connaissait l’existence. Pour le grand public anglo-saxon, Labi Siffre demeure l’auteur d’un seul et unique tube dont il n’a même pas interprété la version la plus populaire. Continuer la lecture de « Labi Siffre, My Song (Edsel) »
Quelques temps se sont passés depuis la sortie de leur dernier album Between Us chez Gravity Music, mais les Young Like Old Men ne sont pas restés à se tourner les pouces. Histoire de patienter avant un nouvel EP qui devrait pointer le bout de son nez dans les prochains mois, le groupe parisien (composé de Nicolas Pommé, vu chez Pop Crimes et Guillaume Siracusa, moitié de Special Friend dont on attend le premier LP) en a également profité pour se rappeler à notre bon souvenir avec ce Don’t Want To de belle facture, toutes guitares dehors, toujours à la croisée des chemins shoegaze / indie / garage. Mis en images par leur batteur Pablo Valero qui a tourné du côté du Lac Baïkal en Russie, puis s’est enfermé à Bagnolet pour fignoler les éléments en stop motion, il nous rappelle ô combien nous sommes pressés de revoir sur scène cette poignée de groupes franciliens que nous aimons tant.
Revenu du diable vauvert, Damien Mingus était un très proche du label Clapping Music, galaxie noire implosée il y a quelques années qui irrigue encore les musiques d’ici. Sous son masque de My Jazzy Child, il explore une musique de marges en se tenant toujours sur un fil sans jamais vouloir tomber définitivement dans une cuve étiquetée : ni pop, ni prog, ni bruitiste, ni folk, ni savant, il est trop curieux pour s’encombrer de certitudes, et aime les surprises. Continuer la lecture de « My Jazzy Child, Innéisme (Akuphone) »
On profite de la sortie de son intégrale en solo, plusieurs déclinaisons de ce coffret mastodonte sont à découvrir içi, pour vous ressortir de nos archives un blind test soumis à l’infatigable Bob Mould datant de 2014. À l’époque, cette véritable institution du rock américain, vient de sortir son deuxième album en deux ans. Après l’éclat irisé de Silver Age (2012), Beauty And Ruin confirmait la verdeur éternelle de ce pionnier du bruit. Verdeur qui ne s’est pas démentie par la suite puisque de Patch The Sky(2016) au tonitruant Blue Hearts paru l’an dernier en prélude aux élections américaines, aucune baisse de régime n’est à constater. À l’épreuve du blind test qu’il craignait un peu, confessant pince sans rire : « I know nothing about music », nous lui avions soumis cinq de ses influences avouées, puis cinq groupes sur lesquels son influence était patente. Affable, charmante et ouverte malgré la légère appréhension du début, la conversation lui a permis de revenir sur plus de trente ans de carrière et plus particulièrement sur ses débuts au sein du mythe fondateur Hüsker Dü. Humble, généreux et volontiers jovial, Bob Mould était déjà l’un de mes héros, il reste l’un de mes meilleurs souvenirs d’interview ever. Il ne faudrait jamais rencontrer ses idoles dit-on. On dit souvent n’importe quoi. Continuer la lecture de « Blindtest : Bob Mould »