Le Signe du Lion – Aharon Appelfeld, Eric Rohmer, Henry Nowhere

Collage sauvage et de mauvaise foi de l’actualité culturelle de la semaine

Le signe du Lion d'Eric Rohmer
Le signe du Lion d’Eric Rohmer

Lumières d’août. C’est penser à toi, née sous le signe du Lion. C’est en lisant le livre posthume d’Aharon Appelfeld, Mon Père et Ma Mère, que je me suis rendu compte de ce qu’était une fidélité. Moi qui suis si maladroit avec mes amitiés, les vivant toujours comme on observe des étoiles distantes, j’ai réalisé ma chance. Appelfeld revient vers les rivages de son enfance. C’est souvent émouvant et drôle aussi. Le portrait de la mère, Bounia, est remarquable. Remarquable de justesse, de beautés introspectives, de souvenirs émaciés et inoubliables. C’est la détresse du langage, cet empêchement à révéler les véritables sources, à reformuler un vécu qui font merveille ici, dans ces pages des derniers jours. Le personnage de l’écrivain contrarié, Karl Koening, marchant le long du fleuve pour essayer de terminer un vague chapitre, parait si beau et humble à la fois. Livre de mémoires vives, de haute fidélité avant que les souvenirs ne sombrent, sauvagement, dans l’oubli. Alors je ne t’oublie pas, toi qui m’a fait découvrir Le Signe du Lion d’Eric Rohmer (1959). Un film qui est le revers du confinement. On suit la lente chute d’un homme, trainant à l’air libre. Un homme emprisonné dans un dehors oppressant, personnage mis à la rue et voyant son sort s’assombrir chaque jours, sous un écrasant soleil. Je n’oublie pas cette petite salle de cinéma et le beau noir et blanc du film de Rohmer. Je traversais une sale période et toi, tu m’avais montré ce film comme un antidote. Car le destin est joueur. Et il faut aimer le jeu, un peu, pour aimer la vie, beaucoup. Rohmer travaille ce thème de la belle fatalité, admirablement. Je me souviens à l’époque, je me moquais de Jeanne Moreau, m’arrêtant à cette voix d’abus et à son allure décatie. Tu me décrivais bien des anecdotes concernant cette femme prodigieuse pour me prouver ma profonde bêtise et ignorance. Grande amoureuse connaissant trop bien la belle fatalité, Moreau avait essayé d’adapter Solstice de Joyce Carol Oates. C’est mon livre préféré de Oates, racontant finement la dualité de deux femmes que tout oppose, une dualité qui s’évapore en une attirance trouble, révélatrice. Jeanne Moreau avait épuisé Joyce Carol Oates, faisant avorter le projet de film, avec une grande prestance. Fidélité musicale pour terminer, qui me fait parler ici, une nouvelle fois, d’Henry Nowhere. Le jeune homme revient avec deux cartes postales, pleines de grâce et de lumière. Think About Me tisse une ritournelle mélancolique avec aisance, ritournelle que l’on s’apprête à ne jamais oublier. Nowhere porte toujours dans sa voix, cette note bleue délicate. Something Changed offre une pop radieuse, décousue de joie – fragile. Ce type a du talent. Alors ma fidèle amie, je continuerai à t’envoyer des sms tardifs pour te parler de vin blanc et te faire écouter du Charlie Megira ou encore ce splendide morceau de The Frost, Behind The Closed Doors Of Her Mind. Ma fidèle amie, mon précieux excès.

Mon Père et Ma Mère de Aharon Appelfeld (Editions de l’Olivier, Traduit de l’hébreu par Valérie Zenatti, 204 pages)
Le Signe du Lion d’Eric Rohmer (1959)
Think About Me et Something Changed de Henry Nowhere (2020)

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