Année Zéro – Vladimir Maïakovski, Julien Gasc, Joseph L. Mankiewicz

Collage sauvage et de mauvaise foi de l’actualité culturelle de la semaine

Gene Tierney
Gene Tierney dans « The Ghost and Mrs. Muir » de Joseph L. Mankiewicz (1947)

Le compte à rebours des années s’est donc brutalement arrêté. 2020, année zéro. On aura tous notre rapport intime avec cette pelletée de mois obscurs et indomptables. À contre courant, ce fut pour moi l’année d’une naissance – mon fils – et celle d’une renaissance, la mienne. Et derrière les volets clos et autres enfermements involontaires, au fil de ces jours où il a bien fallu se réinventer, j’ai réappris à connaitre la joie. Année zéro, celle d’un nouveau départ et d’un nouvel horizon. Cet affichage libre sera celui d’un bilan. La lecture qui m’a accompagnée souvent cette année, c’est la correspondance entre Vladimir Maïakovski et Lili Brik. Déjà, parce qu’on y parle d’amour avec des phrases au combustible insoupçonné. Maïakovski est drôle, larmoyant, solaire ou plaintif – il est unique. On y voit aussi la fabrique d’un poète, d’un homme peu fait pour les compromis, qui se consumerait dans un petit nid douillet, à moins que ce nid n’ait la forme d’une chaise électrique sur laquelle on ferait de merveilleux rêves. Il se passionne pour les papiers administratifs, dessine des chats et des chiens pour épater Lili. Il la surnomme Kissa. Surnom que je lui volerais promptement pour designer la femme que j’aime. Il revendique au hasard, passe des journées au lit en câlinant une grippe. C’est aussi la poursuite d’un idéal et la réalité bouleversante d’un échec. Paradoxalement, ces lettres sont pour moi comme le vent du dégel. Elle m’apporte de la gaieté et une grande force. Le disque que j’ai écouté le plus frénétiquement, à n’importe quel moment du jour et de la nuit, maussade ou fantasque, rêveur ou colérique, c’est L’Appel De La Forêt. Lorsque je me balade sur les plages pour ramasser coquillages et autres pierres mystérieuses, j’ai en tête les mélodies et la voix souple, presque paresseuse de Julien Gasc. C’est un émerveillement. Tom Gagnaire en parlait très bien, de ce disque : « Si vous en avez assez de votre boulot, du stress de la vie, de la misère sociale, que vous cherchez l’amour, le vrai, le passionné et romantique, celui pour lequel vous plaqueriez tout et partiriez vivre comme un punk à chiens, alors L’Appel De La Forêt est là, pour vous. » Rien à ajouter. Le film fétiche? Le long métrage-talisman à en oublier la pluie qui tombe? C’est une histoire d’isolement près de la mer, d’une jeune veuve venue respirer les heures lentes, résistant à peu près à toutes les conventions. C’est sublime, en noir et blanc et il y a au casting l’envoûtante Gene Tierney. L’Aventure de Madame Muir, c’est le bovarysme vu par Joseph L. Mankiewicz… c’est-à-dire candeur et ironie, pragmatisme et romantisme. Une jeune femme se marie trop tôt, s’ennuie, devient veuve, tombe amoureuse d’un fantôme avec qui elle écrit un livre. Les dialogues sont tour à tour naïfs ou insolents. Alors partons en exil de cette année 2020 et tombons amoureux des fantômes des années précédentes ou des futures, peu importe, pourvu qu’il y ait du nouveau !

Lettres à Lili Brik par Vladimir Maïakovski (Gallimard)
L’Appel De La ForêtJulien Gasc de Julien Gasc (Born Bad Records)

L'aventure de madame Muir

L’Aventure de Madame Muir de Joseph L. Mankiewicz

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