Weightlifting – The Trash Can Sinatras

17 secondes qui ont changé ma vie

Si mon amour buté pour la musique des Trash Can Sinatras a probablement fleuri sur le bois tendre de The Perfect Reminder, virgule acoustique plantée comme une petite cuillère dans de la crème au lait sur le deuxième album du groupe (I’ve Seen Everything, paru en 1993), c’est une bonne décennie plus tard que ces Ecossais en retard sur leur époque d’un millier de rapides Glasgow-Londres – et d’autant de bandwagons – m’ont permis de raccrocher le train de ma propre existence. De faire le grand sot, guitare à la main, en espérant rattraper un peu du temps que j’imaginais alors avoir perdu à écrire le genre d’âneries que vous êtes justement en train de lire – ou de faire l’une des plus grosses bêtises de ma vie. Peu importe, me susurraient en 2004 les Trash Can Sinatras sur Weightlifting, la dernière chanson de l’album que le groupe publia cette année-là, sans label et à bout de souffle, après huit longues années d’un silence épais de doutes et de complications – financières, humaines, personnelles : à en croire le chanteur Frank Reader, ce qui m’attendait avait finalement moins d’importance que ce qui me retenait et dont il fallait que je me débarrasse. Qu’il fallait absolument que je « laisse derrière moi » comme lui réussissait à détacher les syllabes de « weightlifting » (« haltérophilie » où « lever de poids ») pour qu’elles puissent éclater comme des bulles à la surface du refrain. C’est donc ce que je me suis employé à faire, en équilibre sur l’imperturbable motif rythmique charpenté par Stephen Douglas (batterie) et Davy Hugues (basse), dont les notes s’enfoncent dans l’huisserie du morceau comme de petits tourillons tandis qu’un « la laaa la laa laa » nonchalant, comme tombé d’une planche de skate sur la côte Ouest d’un autre pays, chuchote : « Allez, laisse aller. » C’est, je crois, à ce moment précis, celui où les arpèges entremêlés des guitares de John Douglas et de Paul Livingston s’envolent comme une nuée d’oiseaux de verre coloré, que le poids de la culpabilité s’est fait plume et qu’on disparu toutes mes appréhensions. Je n’ai trouvé nulle part ailleurs d’assentiment aussi libérateur, et aujourd’hui encore, c’est toujours auprès des Trash Can Sinatras et de Weightlifting que je retourne quand mes haltères deviennent un peu trop lourds à porter.

3 réflexions sur « Weightlifting – The Trash Can Sinatras »

  1. Grand disque, grande chanson. J’ai toujours beaucoup aimé aussi le supplément DVD : on a un sentiment de vie quotidienne complètement dingue, alors qu’on ne quitte pas le studio. Mais à leur comportement, on sent qu’ils savent l’heure qu’il est, et à quelle heure ils doivent récupérer les enfants, faire les courses, etc. (J’ai l’impression qu’il faudrait ajouter : l’heure du rendez-vous chez le psy, ou, pire, l’heure du rendez-vous chez l’avocat, si je comprends bien votre article entre les lignes, mais bon.) Tout art qui parle de la vie quotidienne est du grand art, je crois.

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