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Daniel Rossen, You Belong There (Warp / Kuroneko)

De l’estime, certainement. De l’admiration, parfois. Les sentiments que nous avaient inspirés jusqu’à présent les contributions cumulées de Daniel Rossen aux œuvres de Department Of Eagles ou de Grizzly Bear n’avait jamais dépassé, il faut bien l’avouer, ces considérations teintées d’intellectualisation un peu distante et qui constituent généralement autant d’obstacles insurmontables à l’expression spontanée de la passion musicale authentique. Celle qui, à l’instar du sentiment amoureux, ne saurait se nourrir de la seule reconnaissance des qualités objectives de l’être élu. Il demeurait toujours comme un écart infranchissable, une pointe d’ennui mêlée d’incompréhension ou de déception à l’écoute de ces bibelots sonores, brillants et sophistiqués, devant lesquels, tragiquement, on ne pouvait s’empêcher d’attendre ce qu’ils étaient incapables d’offrir : un peu d’évidence, un semblant de relâchement formel ou tout simplement un refrain. Rien n’a vraiment changé et ce premier album solo ne contient, en apparence, rien qui soit susceptible de satisfaire davantage ces attentes inadéquates. Et pourtant tout est différent. Continuer la lecture de « Daniel Rossen, You Belong There (Warp / Kuroneko) »

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Kiss, Music From « The Elder » (Casablanca, 1981)

Là, j’allais dire tragique, mais cette pauvre bête était antivax et anti-masque. La disparition de Meat Loaf, même si elle agite à divers dosages de statines quelques souvenirs plus ou moins avouables, renvoie tout de même à quelques mémoires éparses, quelques génances devant des choix de cassettes dans les rayons discographiques d’une pré-adolescence peu glorieuse. Et qui mieux que les super(be)s héros de Kiss, alors à un point critique de leur carrière, après le velcro disco victorieux (Dynasty, 1979) et une lassitude des onguents colorés dont Afida Turner n’aura jamais idée (Lick It Up, 1983) pouvaient assimiler et tenter d’égaler en pure perte (mais non sans panache) avec quelques maladresses (et nonobstant 3 ans de retard) la pavlova improbable que fut Bat Out of Hell (Meat Loaf, 1977) ?

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Selectorama : Josephine Foster

Josephine Foster
Josephine Foster / Photo via son compte Facebook

Il est rare que vingt ans après ses débuts, un artiste continue de passionner et surprendre. Réussir à accrocher et bouleverser l’auditeur avec un premier titre joué sur une guitare désaccordée accompagnée de discrètes nappes de synthés rétrofuturistes relève du défi. Ce défi, Josephine Foster le tiendra tout au long de Godmother, album hanté par une nostalgie cotonneuse. Ne pas sombrer dans des références musicales d‘une époque chérie donne justement toute sa force au disque. Les neuf titres de Godmother transportent dans un univers sonore singulier, entre baroque, folk et science-fiction. Ce selectorama apporte les clés de ce changement de cap, parfois avec humour. Les dix titres sont illustrés d’histoires qui remontent souvent l’enfance de Josephine Foster et les souvenirs qu’elle engendre. Cela explique certainement pourquoi Godmother sonne comme une vision distordue et parallèle du passé. Continuer la lecture de « Selectorama : Josephine Foster »

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Selectorama : Midlake

Midlake
Midlake

La résilience en deux temps. Midlake avait déjà survécu au départ de son leader originel, Tim Smith, après la publication de son troisième album en 2010. Après dix ans de silence presque complet, c’est un deuil plus intime qu’il s’agit ici de surmonter. Le père du claviériste Jesse Chandler, décédé en 2018, lui serait apparu en rêve pour l’encourager à prolonger l’aventure collective. Une impulsion d’outre-tombe qui confère à For The Sake Of Bethel Woods une résonance dramatique, amplifiée par la mise en son très ambitieuse, confiée pour la première fois à un producteur extérieur, John Congleton en l’occurrence. Sans oublier d’écrire des chansons, Midlake y redonne ses lettre de noblesse à une forme de musique progressive, réhabilitant au passage un mysticisme élégant et des arrangements amples et complexes. Un hommage aussi à une époque et un lieu – Bethel, dans l’état de New-York, où ont longtemps résidé Chandler et sa famille et où s’est tenu le festival de Woodstock – qui marquent cette sélection de dix titres. C’est donc lui qui se charge de la visite guidée du patrimoine local. Continuer la lecture de « Selectorama : Midlake »

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The Simps, Siblings (Lex)

Ceux qui connaissent The Simps ont sans doute d’abord entendu parler d’Eyedress ; sur TikTok, où certains de ses titres sont devenus viraux, ou par King Krule et Dent May par exemple, avec qui le musicien a récemment collaboré. Une rumeur confirmée : Idris Vicuña de son vrai nom, dont le quatrième album, Mulholland Drive, paraissait l’été dernier, se retrouve depuis quelques mois dans la fameuse liste des artistes émergeants de l’hebdomadaire américain Billboard.

C’est lors de l’un de ses concerts en 2018 que Zzzahara fait sa connaissance. Ces enfants d’immigrés philippins se retrouvent autour d’une histoire culturelle commune, mais aussi d’un certain goût pour la bedroom pop lo-fi, le post-punk et la new wave. De fil en aiguille, elle devient sa guitariste sur scène. Ils jamment, utilisent des samples d’Eyedress, improvisent des paroles. Zzzahara a tendance à évoquer sa rupture récente, Idris est tout aussi sentimental. En étalant leur vulnérabilité d’êtres amoureux, ils admettent en rigolant faire ce qui se caractérise, dans l’argot et de manière assez péjorative, du simping. Les jeunes trentenaires prennent le parti d’assumer leur sensibilité : ensemble, ils sont The Simps. Continuer la lecture de « The Simps, Siblings (Lex) »

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Selectorama : Kristine Leschper

Kristine Leschper
Kristine Leschper / Photo : Tyler Borchardt

Il y a un sentiment de l’ordre de la tendresse lorsque l’on observe — ou plutôt, dans ce cas-ci, écoute — un individu naître à lui-même. Kristine Leschper, après avoir œuvré pour quelques disques avec le groupe Mothers, nous offre avec beaucoup de grâce et justement, à l’orée du printemps, The Opening, Or Closing Of A Door. Un album d’éclosion intime, subtil et complexe, et dont les mélodies soignées et les instrumentations oniriques raviront les amateurs de musique intérieure paradoxalement épique. On ressent avec beaucoup d’émotion la sincérité non-feinte d’une véritable proposition de réponse à la problématique audacieuse d’être-soi où même le plus lisse des sons qui en résulte se laisse aller sans crainte aucune aux pointes les plus fragiles de la vulnérabilité. Guidée par les tourments du monde et par la voix-guide de la poétesse June Jordan, Leschper fait glisser avec beaucoup de talent et en treize titres ciselés la mise en scène d’un théâtre miniature en forme de cœur humain, que l’on vous conseille ardemment d’y aller jeter une oreille ou deux. Continuer la lecture de « Selectorama : Kristine Leschper »

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Andrew Gabbard, Homemade (Colemine/Karma Chief)

Il a mis quelques mois pour parvenir jusqu’à nous – un peu moins de trois pour être exact – en transitant par les méandres confidentiels des recommandations parfois entraperçues au détour des réseaux sociaux. Et pourtant, au-delà des hasards et des accidents de cette rencontre fortuite, impossible de ne pas éprouver, dès la première écoute de ce premier album solo d’Andrew Gabbard, la conviction paradoxale qu’il nous était destiné. Très profondément et très exactement. Nous ne savions pourtant rien de son auteur et, il faut bien l’avouer, après quelques recherches connectées, nous n’avons toujours pas appris grand-chose. Continuer la lecture de « Andrew Gabbard, Homemade (Colemine/Karma Chief) »

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FAME 2022 : « In My Own Time : Karen Dalton » de Richard Peete et Robert Yapkowitz

Karen Dalton
Karen Dalton

Le destin connaît parfois de mystérieux détours. Celui de Karen Dalton n’en aura certainement pas manqué et c’est sans doute pour cette raison que la chanteuse se retrouve aujourd’hui avec davantage d’œuvres produites sur sa vie (deux films, bientôt un troisième, et déjà plusieurs livres, dont une bande dessinée) que d’albums(deux) réellement sortis de son vivant. Ici, le mystère tient autant à la façon dont la chanteuse aura choisi de mener sa vie et sa carrière qu’à celle dont son œuvre aura très lentement cheminé vers la postérité. Continuer la lecture de « FAME 2022 : « In My Own Time : Karen Dalton » de Richard Peete et Robert Yapkowitz »