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David Berman – Eau Bénite

David Berman
David Berman

C’était la fin des années 90, l’époque ne durerait pas mais nous ne le savions pas du tout. La plupart des artistes qui nous intéressaient passaient par Paris et nous les rencontrions, selon leur maison de disques, soit chez Pias vers la Trinité, soit rue des Tournelles entre Bastille et le Marais. Labels y avait ses bureaux : un vaste open space où la plupart des labels américains cool et quelques anglais avaient résidence. Les entretiens avaient lieu dans une petite annexe, la porte d’à côté. C’est là que dans ces mêmes années j’ai rencontré pas mal de héros de l’epoque : Labradford, Will Oldham etc. C’est là aussi que j’ai passé une heure avec David Berman pour son disque d’alors. Le papier sortirait dans la revue pop moderne, comme beaucoup d’autres que j’écrivais alors et qui tournaient souvent autour du post-rock, de la musique électronique, de quelques trucs lo-fi et pas mal d’autres étrangetés, entre Coil et Spiritualized. Dans mes souvenirs, David Berman faisait l’effet d’un garçon un peu neurasthénique, aux accents et à la parole plutôt poétique, un brin différent de la normale. Le genre de rencontre qui vous fait croire en ce que vous faites parce qu’elle est l’apanage de la la singularité même : celle de l’homme et celle de son œuvre, celle de sa parole aussi. Il y en a eu d’autres au même moment qui avait cette manière d’être à côté du réel tout en nous le décodant : Bill Callahan de Smog, Dave Pearce de Flying Saucer Attack. A eux, à leurs obliques, je n’ai jamais cessé de penser – et au garçon de Silver Jews plus encore désormais.

Joseph Ghosn, 8 août 2019

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David Berman – Bonjour tristesse

David Berman
David Berman

Quel drôle de retour. Je n’y croyais pas. Je scrutais ce visage blême, ce regard rendu microscopique par des verres de correction staliniens. Un regard perdu, totalement. Il ressemblait parfois à un enfant. Pourtant, la réalité revenait vite me serrer la gorge – les cheveux gras et filasses, la silhouette bouffie, moche et terriblement émouvante, David Berman revenait ainsi. Fragile et peu apprêté. J’ai eu une sorte d’appréhension à l’écoute de l’album de Purple Mountains comme lorsque l’on serre contre soi un ami que l’on a plus vu durant dix ans et avec qui on s’était fâché. Pudeur, gêne et admiration. Et ce foutu temps qui passe. All my happiness is gone. C’était pas pour la pause ce titre, c’était du sérieux. Continuer la lecture de « David Berman – Bonjour tristesse »

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Versing, 10000 (Hardly Art)

VersingLe leader de The Blank Tapes, Matt Adams, évoquait l’an dernier en interview l’influence de la perpétuelle chaleur californienne sur sa musique et supposait, chez les artistes, une sensibilité particulière aux conditions météorologiques. A sa solaire Cité des Anges il opposait un autre berceau musical de la côte Ouest… : « A Seattle ils ont la scène grunge. Tout le monde baigne dans cette atmosphère pluvieuse, lugubre, et je pense que cela se reflète dans leur musique, qui exprime des émotions différentes. » Ce n’est pas aujourd’hui que l’on infirmera la théorie : le vacarme de Versing annonce l’orage.

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The Stone Roses, The Stone Roses (Silvertone Records)

Les chroniques anniversaire de l’été

The Stone Roses

Trente ans se sont donc écoulés. C’est bien suffisant pour que la distance réflexive se mêle, en l’estompant, à l’intensité brute des souvenirs. Et pour que la toute petite histoire se fonde dans les grands mouvements de balancier de l’évolution musicale. Pourtant, au moment d’évoquer The Stone Roses – l’album ou le groupe, jamais sans doute l’italique n’a eu si peu d’importance – c’est encore la mémoire intime qui commence par affleurer. Les vacances de Pâques 1989 consacrées aux révisions du bac, un interlude arraché à la vigilance parentale sous forme d’aller-retour à la FNAC Montparnasse pour y acquérir la bande son des quelques semaines de labeur scolaire à venir et, immédiatement, les cahiers de math ou d’histoire qui s’illuminent de ces guitares carillonnantes et du balancement inouï des scansions rythmiques d’Alan Wren. Continuer la lecture de « The Stone Roses, The Stone Roses (Silvertone Records) »

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Collection été-été : quelques notes sur quelques nouveautés

Comme beaucoup, j’ai fondu sur mon canapé. Comme peu, j’ai finalement aimé ces fortes chaleurs qui m’ont assommé au point de dormir comme un saluki ou un fennec victorieux (et viva l’Algérie). Mes périodes d’endormissement m’ont comme toujours porté conseil sur quelques disques qui ont défilé sur mes platines, CD et vinyle, dans la moiteur de l’été. Continuer la lecture de « Collection été-été : quelques notes sur quelques nouveautés »

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La Movida

La révolution culturelle madrilène exposée à Arles

Miguel Trillo, El Calderón, Rolling Stones concert, Madrid 1982.

Je n’arrive pas à me rappeler de l’année. Et encore moins de l’artiste qui avait eu les honneurs de la couve de ce numéro de Rock & Folk. Ce devait être en 1984 – ou peut-être l’automne 1983. Car j’avais déjà entendu parler de la scène indépendante espagnole, ça c’est une certitude. Je l’avais découverte au cours des étés que je passais en partie à Altea, une coquette cité balnéaire située à une dizaine de kilomètres de l’hallucination architecturale qu’est Benidorm – pour résumer : les années 60, le franquisme (nous y reviendrons), le tourisme. Là-bas, j’avais sympathisé avec un garçon du coin de deux ans mon ainé, qui trainait en mobylette avec sa bande de copains (en idiome local, on appelle ça une pandilla), connaissait à peu près tous les lieux cool de la côte et partageait avec moi les mêmes gouts musicaux – dans le désordre, The Cure, New Order, l’electropop et la new-wave en général. Continuer la lecture de « La Movida »

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Playlist : La Movida

À l’aune de la très belle et pertinente exposition sur la Movida – ce mouvement pluricuturel avant tout madrilène né à la fin des années 1970 – qui se tient en Arles jusqu’au 22 septembre, en voici l’une des bandes originales possibles, à écouter pour mieux oublier la canicule. Continuer la lecture de « Playlist : La Movida »