Marbled Eye, Leisure (Erste Theke Tonträger)

Nous avions découvert les Américains de Marbled Eye par l’intermédiaire d’une cassette sur le label parisien Gone With The Weed (Police Control, Marauder, Sun Sick, etc.) en 2016. Le 45 tours publié l’année dernière sur Digital Regress (The Shifters) et Erste Theke Tonträger (The Coneheads) confirmait les appétences de la formation d’Oakland pour un post-punk galvanisant, sans nostalgie mal placée. Leisure (2018), premier album de Marbled Eye, toujours chez les Digital Regress (pochette rouge) et Erste Theke Tonträger (pochette bleue) vient à point nommé pour convertir les derniers récalcitrants à la nouvelle vague froide nord-américaine.

En neuf chansons concises et raides, les Californiens déploient leur savoir-faire sans temps morts, ni mansuétudes pour les étourdis. Pas ici pour rigoler (ni pour jouer au scrabble, a priori), Marbled Eye déferle dans un maelstrom de mélodies glacées propices à des enchevêtrements de guitares au son sec et râpeux. Le chant, distant et fier, fulmine d’une colère sourde et résignée. Open Hand nous assomme par la bestialité du riff du couplet avant d’ouvrir sur un refrain, qui, s’il n’est pas lumineux, donne à voir une étincelle diaphane. S’éloignant rarement d’un format ramassé, le groupe s’épanouit dans des constructions paradoxalement pop qui autorisent cependant quelques cavalcades hypnotiques, amenant des respirations dans ce bloc compact. Foundation, en particulier, s’appuie sur des entrelacs électriques au delà des trois minutes réglementaires. La conclusion de Leisure offre ainsi un mouvement salvateur dans l’ampleur des motifs répétitifs de guitares tourbillonnant jusqu’à l’obsession. Si Marbled Eye possède quelques affinités avec d’autres formations comme Spray Paint ou Crack Cloud, il n’en épouse pas les glissements expérimentaux. Nous pensons surtout (en plus pop et moins punk) à d’autres Californiens : les fébriles Rank Xerox, dont l’album reste l’un des meilleurs disques du genre des dix derniers années. Leisure ne constitue certes pas une surprise par rapport aux productions précédentes de Marbled Eye, mais il confirme certainement la maîtrise et l’assurance d’un groupe doué pour créer des climats anxiogènes et menaçants.

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